Précédemment : https://pokrpg.forumactif.org/t364-une-nouvelle-rencontre


Lorsque j’avais proposé à Hétalia de m’accompagner, mon idée était simple.

Nous aurions parlé en marchant durant quelques heures dans la bonne humeur. Elle m’aurait parlé de son histoire, moi de la mienne. J’aurais sans doute été cataloguée comme la petite fille chouchoutée, gâtée, pour qui la vie a toujours été facile. Tadi serait parti en éclaireur et serait revenu nous annoncer que notre but se cachait derrière la colline. Nous aurions sans fait une petit tour ensemble, j’aurais déposé mon Holokit à réparer, et nos chemins se seraient séparés.

Pourtant, nous étions à l’entrée de cette grotte humide et sombre, qui n’avait vraiment rien d’attrayant mais qui semblait intéresser tout le reste du groupe.

- On ne devrait pas être arrivées en ville déjà ?

Je levais les mains au ciel en voyant les regards se poser sur moi.

- Je ne me plains pas cette fois ! C’est juste que je ne pensais pas que ça serait si long…

Avant qu’Hétalia pu répondre, Dorea l’avait fait en griffonnant des tracés sinueux sur un sol qui visiblement s’obstinait à ne pas être très coopératif.

- Ne t’énerve pas, je vois… C’est la grotte ? Et…

Le croquis montrait ce qu’Hétalia m’avait expliqué plus tôt : en longeant le littoral, on arriverait normalement - mais je commençais à douter qu’en ce monde, quelque chose soit réellement normal... - à un pont. Hors, la carte étant une carte générale, elle ne faisait pas mention des petits détails comme « passer par une grotte lugubre et gelée pour arriver à destination ».

- Et on peut pas l’escalader et passer par au-dessus ? Ou on chevauche Tadi et…

Et Dorea lança une Flammèche à mes pieds pour que j’avance. Contrainte sous la torture à pénétrer le royaume des ténèbres, j’attrapai le bras d’Hétalia.

- Non, mais tu imagines, si on meurt ici ? Personne ne retrouvera nos corps avant des dizaines d’années !
- *Si tu étais scénariste pour drama, tu ferais un carton jolie blonde…*

Je regardai en arrière la lumière qui s'éloignait, emportant avec elle les bruits du dehors. Au fond, je ne pouvais pas m'empêcher de penser que c'était comme être enterrée vivante. J'allais être prisonnière de cet endroit où chaque bruit résonnait en écho dans les galeries, où les rayons du Soleil étaient inexistants et où, si nous avions un problème, personne ne viendrait nous aider. Dans ma tête, le générique de la série télévisée Poké-horror s'invita, grandissant mon angoisse. Si j'étais à un casting pour jouer dans un film à suspens, le producteur m'aurait forcément engagée d'office à la vue de ma mine scandalisée et paniquée.

- Que la lumière soit ! lançai-je sans trop d'espoir.

Je poussai un léger soupir en la voyant attraper mon bras.

- Arrête un peu d'avoir peur pour rien. Tu ne risques rien avec moi. Techniquement...

D'un pas déterminé, j'avançais dans la grotte, traînant à moitié Sepia qui s'accrochait à mon bras comme si sa vie en dépendait.

- Tadi, pars en éclaireur. Et fais attention.

- Roucarnage ! S'exclama t-il avant de s'engager dans la profondeur d'encre de la grotte.

Lorsqu'il disparut de mon champ de vision, je continuai à m'avancer prudemment. Pour l'instant, nous avancions dans un long tunnel, faiblement éclairé par la lumière de l'extérieur. Je posai ma main sur la paroi de la grotte et l'effleurait doucement. Elle s'effritait de quelque peu, mais je pouvais distinguer de petits cristaux, qui émanaient une belle couleur procurée par la lumière de l'extérieur.
Plus nous avancions dans les profondeurs de la grotte, plus j'avais la sensation d'être coupée du monde. Je sentis même une légère odeur salée, peut-être iodée, chatouiller mes narines. Je ne pouvais pas avancer plus vite, Sepia s'accrochant désespérément à mon bras. Elle sursautait parfois en entendant un caillou rouler le long de la paroi et s'écraser au sol. Le silence était tel qu'on aurait pu croire à une détonation. Dorea ricanait en la voyant. Elle marchait d'un pas assuré, un peu plus à l'avant de Sepia.

Un peu plus loin, je vis que les parois de la grotte s'élargissait de quelque peu. Une douce lumière nous parvint alors, au rythme de notre marche. Émerveillée, Dorea accéléra le pas jusqu'à rejoindre Tadi, qui s'était posé fièrement sur une roche plus loin. Curieuse, j'accélérai le pas, traînant presque Sepia, jusqu'à rejoindre mes amis. Nous débouchâmes alors sur une immense cavité, qui me coupa le souffle.

Cette grotte était une merveille de la Nature. Parcelées de cristaux, les parois de la grotte baignaient cette caverne d'une lumière minérale, colorée. Je me demandai quel phénomène naturel éclairaient les cristaux d'aussi belles couleurs.
Tadi, lui, fixait le plafond. La roche d'un brun pur, couvertes de stalactites d'un bleu glacé, se reflétaient dans le regard d'encre de mon Roucarnage. Il semblait lui aussi émerveillé par la beauté de ce lieu.
A notre droite, nous découvrîmes un petit lac, d'où s'élevaient des rochers. L'eau était sans doute gelée, néanmoins, je ne pus m'empêcher de m'avancer et d'admirer un peu plus la beauté du lieu.
Sepia semblait elle aussi émerveillée. Le regard pétillant, teinté par le bleu glacé des parois, elle parcourait du regard la caverne, sans pour autant me lâcher.

Autour de moi, je sentais la vie grouiller. Me rappelant que des Pokémons vivaient ici, je cherchais du regard une quelconque présence. Furtivement, je vis alors un Amagara bondir sur les roches cristallisées, de l'autre côté du petit lac. Je le regardais passer, déconnectée de la réalité, sans décrocher un mot.

Je continuai à avancer, lentement, pour pouvoir profiter du lieu, qui me mettait étrangement de bonne humeur. Tadi et Dorea nous suivirent lentement, eux aussi, ne cessant de regarder partout autour d'eux.

Cependant, je n'engageai pas la conversation avec Sepia. Pour parler de quoi, après tout ? J'attendais presque que ce soit elle qui engage la conversation, tandis ce que je suivais du regard Tadi, qui faisait des piqués vers le lac, se redressant au dernier moment, des gouttelettes qui semblaient elle aussi cristallisées glisser le long de ses plumes colorées.

Si Hétalia n'aimait pas parler, j'avais une sainte horreur du silence. Je me sentais mal, comme si les mots voulaient sortir mais que je me forçais à les contenir en moi. Ce qui me rendait malade. En y réfléchissant bien, une overdose de pensées dans l'esprit d'une idiote pouvait causer un mal de tête... Dorea aurait adoré ce commentaire, sans doute... Finalement, face à la froideur d'Hétalia, je tentais une approche pour le moins maladroite.

- C'est mouillé ici.

"C'est mouillé ici" se répercuta en écho. Je sifflais, amusée par l'effet : le son se propagea, faisant fuir certains Pokémon, en attirant d'autres. Dorea leva les yeux au ciel.

- *Bien, tu as remarqué que ça résonnait ! Quelle maturité, vraiment...*
- C'est drôle, non ? lui demandai-je en souriant.

Elle me le rendit. Fière de l'avoir mise de bonne humeur, je sautillais jusqu'au bord du lac.

- *Comique en effet. Comment a-t-on pu créer autant de bêtise dans un si petit corps, je me le demande...* pensa Dorea dont le sourire s'était évanouit soudainement.
- Dis Hétalia, c'était quoi le Pokémon au fond, là-bas ?
- *Hétalia, Pokédex personnel de Mademoiselle l'Actrice !*

Ennuyée Dorea se lova sur une pierre, éloignée autant que possible de la belle surface vitrée qu'était le plan d'eau. Bien qu'elle trouve magnifique le décor, l'idée de faire un plongeon ne la séduisait pas le moins du monde.

- Dommage que je n'ai pas pris de maillot de bain !
- *Dommage, oui... Ma dresseuse en statue de glace au fond d'un lac... Charmante idée...*

Le sourire moqueur de Dorea m'énerva au point de lui tirer la langue.

- Si tu oses penser un truc de mal, je te jette à l'eau !
- *Ah, tu lis dans les pensées maintenant ? Maman, j'ai peur...*
- Tu n'as pas de mère.

Je relevais les oreilles. Comment elle...

- *Quoi ?!*
- ...je-ri-gole, chantonnai-je en quittant mes baskets pour tremper mes pieds dans l'eau, assise au bord du lac. Je sais quand tu penses à tes parents, tu as les yeux tout humides.
- *Idiote !*

- En effet... répondis-je distraitement à sa constatation. Ah, ça, c'est un Amagara. Un pokémon de type roche et glace. Il vit sans doute ici.

Amusée par l'écho de la caverne, Sepia sautilla jusqu'au bord du lac, avant de retirer ses chaussures, après un échange quelque peu comique entre elle et sa Goupix. Elles me faisaient rire, ces deux-là. Je devais l'admettre.
Elle plongea ses pieds dans l'eau glacée, je fus un peu surprise qu'elle ne sursaute pas quant à la température de l'eau.
Après tout, elle me donnait envie de faire une pause. Je m'asseyais à mon tour sur une des pierres bordant le petit lac. J'admirais les arches autour de moi, creusées grâce au temps et à la force de la nature. Tadi semblait s'amuser comme un jeune Roucool, à faire sans cesse des piqués vers l'eau aux teintes de cristal, avant de se redresser à la dernière minute et de planer en rond au dessus de nos têtes.

Ce lieu était étrangement reposant. Je regardai longuement les teintes des cristaux, l'esprit apaisé. J'aimais déjà cette grotte, à l'état naturel, enrichie de Pokémons et surtout, calme et silencieuse. Qui abritait en plus de cela des merveilles, que la Nature nous offrait encore, après tout ce que les Guerres avaient pu lui faire subir.

C'est alors que je vis Tadi passer dangereusement près de moi, effleurant du bout de son aile droite l'eau du lac. L'effet de la vitesse fit que je fus légèrement trempée, sans même avoir le temps de m'esquiver. Les yeux ronds, je le suivais du regard alors qu'il me lançait un regard taquin.

- Non mais, reviens là toi ! M'écriai-je en essuyant rapidement les quelques gouttes qui glissaient le long de mes cheveux.

Il semblait sourire, voir même rigoler, avant de continuer tranquillement ses vols autour de nous. La "conversation" de Sepia et Dorea me sortit de mes pensées.

- ...je-ri-gole. Je sais quand tu penses à tes parents, tu as les yeux tout humides, dis Sepia en battant doucement des pieds dans l'eau.

Dorea la regarda, d'une telle façon que je me dis que si ses yeux avaient été des mitraillettes, Sepia ressemblerait à une passoire. Quelque peu curieuse, je tournai la tête vers Dorea et lui dit à son intention.

- Tu n'as plus de parents ?

Dans ma tête une délicieuse mélodie prenait forme, empruntant quelques sons ci et là dans la grotte. Les ailes de Tadi frôlant la surface lisse de l'eau, rejetant de fines gouttelettes contre la paroi rocheuse. Le battement de mes pieds, que je commençais à ne plus sentir à cause de la basse température de l'eau. Cependant, la longue marche m'avait épuisée et avait abîmé ma peau, formant de petites ampoules. Aussi décidai-je de rester encore un instant assise sur la berge, profitant de la sensation de fraîcheur. Quelques fois, une petite goutte, qui avait perlé sur un stalactite décidait de faire le grand saut. Son plongeon laissait à la surface du lac de cercles qui se propageait, comme des ondes aquatiques. Ce mouvement, hypnotisant quelque part, dans son aspect répétitif, me plongea dans un état second.

De son côté, Dorea avait regardé Hétalia, de son regard gris clair aux reflets rosés, qui avait gagné une teinte bleuté à la lumière des cristaux.

- *Comment t'expliquer... Comment raconter une telle histoire, aussi longue, par de simples dessins...*

Je choisis de lui mimer ma vie. Ce qui donnerait sans doute un côté comique à ce qui était pour moi une tragédie digne des vieilles histoires racontées dans les livres. Je traçais au sol un carré et le nommait "Pension". Lové dans un coin, je dessinais alors un oeuf. Celui qui avait été ma bulle de protection avant de découvrir le monde cruel. Le monde réel. Je jouais le rôle de mes parents, qui partaient avant ma naissance. Puis je revivais à travers cette scène improvisée ma naissance. Ma surprise devant des Pokémons qui visiblement n'étaient pas de mon espèce et à qui je n'étais pas liée. Devant ces humains, qui m'éduquèrent comme leur propre Pokémon, bien qu'ils ne disait jamais "ma" Goupix, ou "mon" Pokémon en parlant de moi. Je l'écrivais. "Ma". "Mon". Puis les barrais. Pour eux, j'étais "la petite", ou "la muette". C'était mal connaître les Goupix et Feunard de penser que nous ne comprenions pas leur langue. Si nous pouvions parler, nous nous exprimerions aussi bien qu'eux. Et puis, on ne parle pas de "mutisme" délibérément devant l'handicapée elle-même... Ou alors, on le fait sans messes basses, comme si c'était un tabou. Je croquais dans la terre sombre et humide de la grotte une bouche sur laquelle je superposais une croix. J'étais comme Hétalia. Je n'avais pas de famille. Pour finir, lentement, je fis un signe = et une flêche tournée vers Hétalia elle-même. Je relevais la tête. Forte, malgré l'envie de pleurer qui montait en moi. J'avais toujours préféré faire table rase du passé. En parler - à ma façon - me donnait l'impression de ne pas pouvoir m'en sortir. Je ne serai que cette Goupix handicapée, et ce jusqu'à ma mort. Quelle ironie que mon espèce puisse vivre plus de mille ans !

- *Voilà, ça... c'est moi.*

J'avais suivis du coin de l’œil la tragédie jouée par Dorea. Elle n'avait décidément pas mon talent d'actrice, mais ayant vu tout de mes propres yeux, je comprenais ce qu'elle racontait. Cependant, je décidais d'ajouter quelques détails.

- Ce que Dorea ne sait pas, lançai-je en rejetant la tête en arrière, c'est que sa mère aurait aimé garder l'oeuf je pense. Elle devait sentir qu'il avait besoin d'elle. Mais son dresseur l'a forcée à partir. Après tout, les Pokémons sont loyaux envers nous. Dorea a été gâtée, mais elle est toujours restée dans son coin. Sans doute parce que les autres pouvaient se comprendre et qu'elle n'avait aucun moyen de donner son avis... Mais on ne peut pas dire non plus que la Pension ait été une famille. Disons qu'on... la gardait.

Je ne quittai pas le regard de Dorea, presque touchée par la petite scène qu'elle m'avait mimée. Ça n'avait pas dû être facile, elle qui n'avait rien demandé. J'étais même fascinée par sa force de caractère. Si jeune. Une si jeune Goupix, et qui avait déjà affronté une lourde épreuve. Et la petite flèche dirigée en ma direction me montrait que quelqu'un pouvait comprendre ma solitude. Elle avait comprit que je n'avais plus de famille, et ce depuis longtemps. Je lui adressai un léger sourire et penchai la tête sur le côté.

- Tu sais, certains êtres vivants sont comme ça : ils ne voient pas plus loin que les apparences. Et tu as rencontré tellement de ces personnes qui ne savent pas voir au delà de cette frontière. Tu as une telle force de caractère que tu as su surmonter ça, et tu peux en être fière. Mais ne te soucie jamais, jamais, de ce que l'être humain ou pokémon peut penser de toi. Tu es une Goupix, une Goupix avec du potentiel. Tu es peut-être... "handicapée", mais au moins c'est un trait d'originalité et de différence par rapport à la masse.

Je marquai un court instant, avant de poursuivre en fixant les déplacements de Tadi.

- Et puis tu sais, il y a des êtres qui t'apprécie. Regarde Aquene, je suis presque surprise qu'en a peine une journée il se sente obligée de s'imaginer comme un mentor, voir un grand frère à ton égard. Et tu sais pourquoi ? Parce qu'il se revoit sans doute lorsqu'il était un petit Goupix. Pour je ne sais quelle raison, il était rejeté par sa mère, puis par sa famille entière, voir battu pour qu'il ne reste pas près d'eux. Je pense que sur un certain point, il arrive à comprendre ce que tu ressens intérieurement.

Je sentis une paire d'yeux posée sur moi. Je n'y prêtai pas attention et continuai à fixer Tadi, qui avait l'air de faire la connaissance d'un petit groupe de Pokémon glace, beaucoup plus loin de l'autre côté, qui nous fixaient, l'air un peu craintif.

- Et puis au fond... Sepia t'aime bien, j'en suis sûre. Sinon elle aurait déjà trouvée le moyen de se débarrasser de toi, tu ne crois pas ?

Au fond de moi, je pris conscience que j'étais en train de faire un petit monologue. Dorea n'allait sans doute pas me répondre, mais j'espérais qu'elle ne me trouve pas ridicule, voire débile, avec mes beaux discours. Mais après tout, je savais de quoi je parlais. Ça se ressentait sans doute.
Je posai mon regard dans celui de Sepia, qui me regardait, sans que je puisse comprendre ce qu'elle pensait. Puis je croisai le regard clair, et pétillant, de Dorea, qui me fixait sans lâcher prise. Je me demandai ce qu'elle pouvait bien penser.
Seul le léger battement des pieds de Sepia dans l'eau apportait un peu de bruit dans cette caverne, un bruit que bizarrement, je parvins à trouver apaisant.

Dorea avait écouté sagement, tout comme moi. Je repensais à Aquene et son attitude lors de la Bataille des Champs Rayonnants. C'était effectivement celle d'un grand frère protecteur. Sa présence pouvait avoir un effet positif sur Dorea. Voir un Feunard s'intéresser à elle pouvait l'aider non seulement à se sentir moins seule, mais également à se faire une place dans son espèce, se dire que malgré la différence, elle était l'une des leurs. Elle semblait en pleine réflexion, ma petite amie quadrupède aux multiples queues. Elle devait sans doute méditer les sages paroles d'Hétalia. Cette jeune fille ne donnait pas l'impression de beaucoup parler, mais quand elle le faisait, ses mots étaient bien choisis et ses phrases pleines de bon sens. Elle avait réussi à m'attendrir. Tenter de remonter le moral de Dorea n'était pas chose facile. Combien de fois, mes parents et moi, avions-nous essayé ?
Finalement, sans un bruit, Dorea esquissa une timide révérence à l'adresse d'Hétalia et s'en alla faire le tour de notre petit bout de grotte. J'hésitai un instant à l'accompagner, mais si je la surprenais en pleurs, jamais je n'aurais le tact nécessaire pour lui faire relever la tête. A vrai dire, avec mon habilité à consoler les gens, peut-être que la Goupix se jetterai dans le lac pour abréger ses souffrances. C'était un scénario bien plus probable que celui où elle me sauterait dans les bras. Je suivais des yeux sa silhouette, puis sont ombre alors qu'elle disparaissait derrière une rangée de rochers humides, légèrement recouverts de givre. La curiosité de Dorea l'amena à gratter la terre, à flairer, à tapoter les pierres qui faisaient office de mur... Je sortis mes pieds de l'eau et les frottai avec mes mains, puis je remis mes chaussures.

- Hétalia, tu as quelque chose à manger ?

Je marchai jusqu'à elle, avec une allure plutôt comique. Je ne sentais toujours pas totalement mes pieds et manquai parfois de tomber. Heureusement je pouvais longer la paroi rocheuse pour rejoindre mon nouveau modèle. A quelques mètres d'elle cependant, l'humidité de la roche me joua un mauvais tour. Après une glissade digne d'être filmée pour passer à la télévision, je me retrouvai à genoux par terre, mes mains ayant amorti ma chute. Je m'assis en tailleur et détournai le regard. Il fallait toujours garder la tête haute dans de telles circonstances, pas vrai ? Cette chute serait donc voulue, calculée. Le même stratagème était souvent utilisé dans les écoles de dresseurs pour les plus jeunes, qui, lorsqu'ils n'anticipaient pas lors d'un combat et disaient "non, mais j'ai fais exprès".

- Je suis bien ici tout compte fait... Tu viens, qu'on parle un peu ?

Mieux valait attendre que mon corps se réveille pour que je puisse remarcher normalement. Je levais les yeux vers Tadi, espérant qu'il n'avait rien vu. Dorea, elle, avait entreprit d'escalader une roche immense qui donnait l'illusion à la salle de bénéficier d'escalier naturel. Bien que cet escalier semble réellement en être un finalement...

- *Tu es folle, Sepia. Personne ne vient construire un escalier en pierre dans une grotte.*

Arrivée au sommet de la plate-forme, Dorea s'assit dans une pose majestueuse qui ressemblait à celle d'Aquene. Je pouffai de rire.

- Voilà que l'orpheline se prend pour une princesse, glissai-je à Hétalia. Donc, mes parents tiennent une Pension... Et les tiens ?

*ne pas rire, ne pas rire...*

Je regardais Sepia avec un léger sourire en coin, me retenant d'éclater de rire. Très contrôlée, sa chute. Et j'aimais particulièrement son air du "quoi ? C'était fait exprès pour m'asseoir plus facilement !"

- Bien sûr, bien sûr... lui répondis-je l'air de rien, en me redressant pour la rejoindre.

Je jetai un coup d’œil au passage vers Dorea, qui s'était fièrement posée au sommet de la roche cristallisée. Elle admirait les stalactites, pensive. Par pudeur pour elle, je détournai mon regard vers Sepia qui semblait avoir vraiment faim comme elle me l'avait dit, à frotter son ventre de cette manière.
Je m'assis près d'elle, et lui donnai une barre de céréales qui traînait dans mon sac.

- Tiens, il ne me reste que ça.

Elle l'a prit en me remerciant d'un sourire, avant de la croquer à pleine dents. Fascinée par les cristaux présents sur la roche ou j'étais assise, je m'amusai à passer ma main dessus en cherchant du regard, Tadi. Un peu plus loin, il était en vol stationnaire et fit la navette entre Dorea et moi. Je secouai légèrement la tête et la main. Il valait mieux qu'il la laisse un peu réfléchir tranquillement. Il cessa son vol stationnaire et se dirigea vers Sepia et moi, nous narguant en passant à ras de notre tête, avant de s'élever à nouveau dans les airs, et de retourner de l'autre côté du petit lac. Je voyais un petit groupe de Pokémon glace au loin, qui nous regardait l'air craintif, jusqu'à ce que Tadi se pose à proximité, semblant discuter avec eux. Je tournai le regard vers Sepia, qui pouffait de rire en voyant la pose de Dorea. C'était amusant, je ne le niais pas, mais je trouve que cette façon de faire lui seyait à merveille. Je me demandai quel serait le résultat si elle évoluait en Feunard... Mais elle a encore du chemin à parcourir. Je ne doutais pas qu'elle y arrive un jour.

- Voilà que l'orpheline se prend pour une princesse, me glissa Sepia en rigolant.

Je lui adressai un sourire, amusée par sa remarque.

- Au fait Dorea, si jamais tu veux de la compagnie de Aquene, n'hésite pas à me le dire, dis-je simplement à Dorea.

Certes, ça semblait peut-être ridicule de lui dire ça. Mais je pense que ça pourrait, éventuellement, lui faire du bien. Sepia rigola et dévia alors la conversation, enjouée et de bonne humeur.

- Donc, mes parents tiennent une Pension... Et les tiens ?

La question, posée innocemment, me refroidit de quelque peu. Elle ne le savait pas, je n'avais pas à lui dire que ce n'était pas ses oignons. Je fixai les ondes glissant sur le lac, apparaissant lorsque Tadi faisait des piqués vers la surface de l'eau. Je mis un temps à répondre à Sepia. Je le fis finalement, le visage fermé et la voix impassible.

- Ils sont morts.

La courte phrase résonna dans l'antre de pierre comme une onde de choc glacée. Elle aurait sans doute pu geler la surface de l'eau claire si ce n'était pas que des mots. Dorea baissa la tête vers moi et me fusilla du regard. Si elle avait pu anticiper, elle m'aurait sans doute sauté à la gorge pour m'étouffer avant que ma question s'échappe de ma bouche. C'était dans ces moments gênants que je me surprenais à rêver d'une touche "marche arrière" dans la réalité.
Je regardai Hétalia, mal à l'aise, avec la folle envie de m'enterrer. Je tournai la tête vers le lac : et si je plongeais à l'eau ? Je regardai mes chaussures : non, mes pieds ne répondaient toujours pas. Pourtant, le silence pesant qui emplissait la pièce depuis un peu plus d'une minute était insupportable. Je devais faire quelque chose. Je sentais d'ailleurs les deux yeux de Tadi posé sur moi. Un frisson remonta le long de mon échine.

- Ah... Parfois les miens m'énervent tellement que j'aimerais bien être à ta place !

Dorea, scandalisée, était figée dans une position des plus amusantes : yeux exorbités, bouche bée. Je sentis un courant d'air passer dans mon cou, suivi d'une pluie de fine gouttes d'eau : Tadi avait rasé le lac et m'avait éclaboussée, volontairement bien entendu.

- HEY ! J'essaie juste de détendre l'atmosphère !
- *Alors la prochaine fois, évite tout simplement de parler !*

Énervée, je sautais au bas des marches dans un gracieuse pirouette et rejoignait les filles, faisant signe à Tadi que je maîtrisais la situation. Je fouillai le sac d'Hétalia, volait une pomme que je fourrai dans la bouche de Sepia.

- Mmh ?!
- *Voilà. On est tous sauvés !*

J'en profitais pour gifler délicatement ma dresseuse avec ma patte de velours. Devant son air las, je pouffais de rire : aucun autorité, vraiment... Puis je faisais comprendre à Hétalia, par quelques mimiques et dessins, que j'étais désolée pour la finesse de Mademoiselle l'Actrice.

*Pas sûre que tu voudrais être à ma place...*

Je tournai la tête vers Dorea, qui semblait s'excuser, et désespérer de la finesse de Sepia. Je lui adressai un léger sourire et passai ma main sur sa petite tête. Elle semblait un peu surprise par le geste. D'un côté, j'en avais profité pour lui apporter un peu de réconfort pour ce qu'elle m'a raconté avant. De l'autre, c'était pour la rassurer.

- T'inquiète pas, elle a pas fait exprès, je le sais bien. On vit avec.

C'est sûr, ce n'est pas volontaire... Je secouai rapidement ma tête et me redressai d'une façon peut-être un peu trop précipitée, puisque je faillis glisser sur la pierre sur laquelle je me tenais. Légèrement aveuglée par l'éblouissement que les cristaux nous renvoyaient, je m'étirai, et attrapai mon sac avant de le refermer et de le remettre sur mon dos. Je me tournai vers Sepia et Dorea, le visage neutre, la voix posée.

- C'est pas que je m'ennuie ici, mais on a encore du chemin à faire... En route !

Ceci dit, je sautai de mon perchoir et commençai à marcher vers la sortie de cette petite caverne. Lorsque je me tournai pour voir si les filles me suivaient, je vis Tadi lancer un regard plus que perçant à Sepia. Je claquai des doigts pour qu'il arrête. Surpris, il tourna son envergure imposante vers moi. Je n'étais pas vraiment énervée du peu de délicatesse de Sepia, c'était juste ma façon de réagir. Certes un peu bizarre, mais bon.

- Tadi, c'est rien, lui fait pas peur comme ça, rigolai-je en lui faisant signe de venir.

Il grommela, l'air peu ravi, avant de me rejoindre en voletant doucement. Bon, il fallait avouer que je m'étais précipitée à ce point uniquement parce que je n'étais pas à l'aise après cette question.  Je poussai un léger soupir et me tournai vers Sepia et Dorea.

- Dépêchez vous. Si on reste trop longtemps, ça pourrait gêner les Pokémons vivant aux alentours.

Ceci dit, je tournai les talons et me dirigeai tranquillement vers l'autre bout, suivie par Tadi.

Je restais tête baissée, à fixer le sol, parsemé d'éclats turquoises. Je passais ma main tremblante sur un petit cristal qui perçait à travers la roche, incrusté, impossible à extraire à la seule force des mains. Pourquoi diable avais-je posé cette question ? Hétalia avait bien dit que sa seule famille était ses Pokémons, mais jamais je ne m'aurais doutée qu'elle n'en avait plus d'autre. J'avais pensé sur le coup qu'elle était en froid avec ses parents, et qu'elle s'était forcée d'oublier son passé pour vivre l'instant présent. Tant de questions se bousculaient à présent dans mon esprit : quel âge avais-tu ? Comment étaient-il ? Étaient-ils aussi dresseurs ? Quelle vie avais-tu avant ? J'entendis Hétalia se relever et s'éloigner. Pendant quelques secondes, l'idée qu'elle allait m'abandonner ici me parut plausible.

- C'est pas que je m'ennuie ici, mais on a encore du chemin à faire... En route !

Sans doute parlait-elle à Tadi. Le grand oiseau ne m'avait pas quitté du regard et je n'osais pas me tourner vers lui. Ses yeux me transperçait comme cette pierre précieuse pointait à travers la pierre brute, naturelle, froide et tranchante. Sombre aussi.
Je relevai la tête et rencontrai les yeux de Dorea, partagée alors entre la rancœur et la moquerie. Mais avant que je ne puisse lui rétorquer un "Oh, c'est bon !", Hétalia interrompit mes pensées.

- Tadi, c'est rien, lui fait pas peur comme ça. Dépêchez vous. Si on reste trop longtemps, ça pourrait gêner les Pokémons vivant aux alentours.

Venait-elle de rire ? Je relevai la tête et me redressai, un peu chancelante. Je pris appui sur un rocher m'arrivant à la taille.

- On... on vient, nous aussi ?
- *Oh, tu te sens coupable, Princesse ?*

Je courrai vers Hétalia, pour presser un peu Sepia. Il était temps qu'elle assume ses dires. Visiblement, Hétalia ne lui en voulait pas. Cette fille avait une tolérance incroyable. Sepia était immature et visiblement incapable de tenir une conversation civilisée. Je me demandais laquelle des deux était la meilleure : celle qui parlait peu, ou celle qui quand elle ouvrait la bouche disait toujours une idiotie ?

- T'es pas vexée ? Je pensais que tu serais fâchée...

Je pris mon sac et avançai à mon tour. Quelques Pokémons sauvages s'enfuirent, sans doute en voyant toute cette animation. Les gemmes étincelèrent d'un même éclat, un court instant. Un rayon de soleil, qui avait sans doute trouvé une entrée secrète à travers la roche.

Je tournai la tête vers Sepia, surprise par sa question. Je jetai un coup d'œil à Tadi, qui me rendit mon regard. Ma réaction l'avait peut-être gênée. Ce n'était pas le but recherché. C'était uniquement pour que j'évite de ravoir ces images en tête. Un
petit sourire se dessina sur mes lèvres, lorsque je croisais le regard honteux de Sepia et celui, rancunier, de Dorea.

- Je ne t'en veux pas, après tout tu devais être loin de t'en douter. Et ma vie passée est plus floue et compliquée que tu ne le penses sans doute. Mais tout ça, c'est derrière moi. Si je reste focalisée là-dessus, je parasiterais mon propre présent ainsi que mon avenir. Alors oublies ça, et dépêche toi un peu, on a encore de la route, lui dis-je gentiment avant de continuer à avancer.

Je remarquai du coin de l’œil la petite renarde, qui trottinait sans aucune hésitation malgré tout. Après un instant de réflexion, je me tournai en direction de Sepia, les mains dans mes poches. Je cherchai à lui faire comprendre que je ne lui en voulais pas du tout. Ce serait ridicule. Chancelante, sans doute à cause de l'effet de l'eau glacée sur ses pieds et de sa précédente chute "contrôlée", elle resta appuyée à la pierre. Elle semblait s'en vouloir énormément, ce qui me toucha vraiment d'un côté. A ce moment là, un rayon de soleil perça les roches du plafond et nous baigna d'une lumière chaude et douce. Légèrement aveuglée par cette lumière, ajoutée à la teinte naturelles des minéraux, je plaçai une main sur mon front en guise de visière, lançant un regard pressé à Sepia. Ses yeux ayant pris une teinte d'un bordeaux clair, de même que ses cheveux arborant maintenant des reflets de miel, elle semblait encore hésiter à me suivre.
Je préférai finalement attendre qu'elle se bouge d'elle même.

Préoccupée par cela, je n'avais même pas remarqué que Tadi planait près du sol, à la même hauteur que Sepia.

Se baissant à la taille de Dorea, le jeune Roucarnage se sentit obligé d'expliquer très rapidement la réaction de sa dresseuse. Sans trop entrer dans les détails, pour la pudeur de Hétalia, il expliqua d'un ton rapide à la jeune Goupix que ses parents s'étaient éteint d'une manière horrible. Sans plus de détails. Tadi montra que la réaction de sa dresseuse était légitime, préférant se presser plutôt que de rester sur place, et de se laisser envahir par les souvenirs. De ce fait, il avait dit cela à Dorea par peur qu'elle ai une réaction semblable à celle de sa jeune et nouvelle dresseuse.

- Sepia, dépêche toi s'il te plaît. Je ne préfère pas rester plus longtemps ici. Si on se fait attaquer par un Pokémon sauvage, il y aurait un grave risque d'éboulement.

Le pire scénario qui pourrait sans doute nous arriver. Mais on n'était jamais à l'abri de quoi que ce soit, après tout.

Je relevai la tête, comme foudroyée, et la rejoins aussi vite que possible. Je n'avais pas pensé à cette éventualité. Mourir perdue au font d'un sinistre labyrinthe naturel me paraissait déjà horrible. Moi qui d'ordinaire adorait les pierres précieuses... Devenir leur voisine de pallier parce que nous aurions été incapables de retrouver la sortie ne me plaisait pas. Mais avoir en plus pour dernière vision un plafond de roche s'effondrer sur mon pauvre petit corps, ça, pas question ! Ce qui ne me rassurait pas, c'est que le tunnel dans lequel nous nous engagions semblait plus sombre que le précédent, mais aussi beaucoup plus étroit, nous forçant à marcher en file indienne pendant un temps qui me parut une éternité. Si nous avions quitté la cavité depuis seulement deux ou trois minutes, le silence qui régnait toujours m'angoissait. Je n'avais pas osé faire de commentaire sur ce qui venait de se passer.

- Je m'excuse quand même d'avoir abordé le sujet. On ne pense pas en général qu'on puisse perdre sa famille si jeune... Je comprends que tu soies tournée vers l'avenir.

Le tunnel semblait, en plus de perdre en largeur, devenir également plus petit.

- On va devoir se baisser ? J'aime pas ça. Après, mon collant va être décousu ou déchiré ! Et Dorea a déjà brûlé mon gilet en plus.

Ce que les autres ne savaient pas, c'est qu'en général, je ne me plaignais pas autant. Bien sûr, j'avais toujours eu la chance d'avoir ce que je voulais, ce qui faisait de moi une petite fille gâtée, et j'admettais ne pas être courageuse. Seulement j'avais, et je le savais, un énorme ego, si bien que je préférais faire semblant de gérer la situation. Lorsque donc, je me mettais à formuler une complainte, c'était uniquement pour camoufler quelque chose que j'estimais pire qu'être capricieuse. Avoir peur. Ils avaient sans doute senti, en entrant dans les entrailles des ténèbres - dans la grotte - que je n'étais pas friande des histoires d'horreur. Les lieux baignés dans le noir étaient l'une de mes phobies. Ajoutons à cela le fait que j'étais légèrement claustrophobe. M'imaginer marcher à quatre pattes entre quatre murs de cailloux froids et tranchants, sans visibilité, ne m'enchantait guère.
Mais Dorea, décidée à sortir de là le plus vite possible, s'était déjà faufilé dans la galerie étroite.

- N-non ! chuchotai-je, comme si j'avais peur de déclencher un éboulement à la seule force de mes mots. Do- raaah. Dorea, revient ici !

Aucune réponse. Hétalia ne semblait pas avoir peur. Mais la question était de savoir si Tadi, toutes ailes déployées, pourraient passer en volant. Cependant, elle semblait décider à continuer, ce qui me donna l'idée d'examiner plus en détail le conduit dans lequel nous nous trouvions. Ce passage était la seule solution.

- Hétalia, dis-moi qu'il y a un autre chemin, par pitié...

De son côté, Dorea n'avait en réalité pas eu beaucoup de pas à faire. Le petit tunnel débouchait sur une nouvelle salle qui la laissait perplèxe : il y avait autour d'elle une dizaine d'autre tunnels, tous identiques à peu de chose près. Là, on pouvait dire qu'ils étaient perdus ! Elle lança une faible Flammèche sur le mur, juste après sa sortie, pour le marquer d'une trace noirâtre, histoire de repérer la galerie d'où ils venaient. Restait à choisir par où ils continueraient... Elle se demandaient s'ils menaient au même endroit. Pas tous, sûrement. Mais avaient-ils plusieurs chances de gagner la sortie, ou n'y avait-il qu'une bonne réponse à ce petit jeu ?

- Hétalia, dis moi qu'il y a un autre chemin, par pitié...

En pleine réflexion, je fronçai les sourcils et examinai les dix sorties face à nous. Dix tunnels. Dix sorties plausibles. Il y en avait peut-être plusieurs, mais nous risquions si nous nous trompions ne serait-ce qu'une fois.
Je jetai un regard en coin à Sepia. Elle semblait terrifiée, blanche comme un linge, malgré ses plaintes répétées. Elle supportait plutôt bien, pour quelqu'un qui n'avait sans doute jamais voyagé.
Et j'étais sûre qu'il n'y avait que ces chemins possibles. On ne pouvait pas faire demi-tour pour contourner la montagne. Cela nous aurait pris des jours de marches supplémentaires, en pleine altitude avec ça. Je ne gage pas que tous les Pokémons, et en plus Sepia, auraient supportés un tel trajet.

Une idée jaillit alors dans mon esprit. Gardant mon regard sur les différentes sorties, je fouillai mécaniquement dans mes poches et sortis une Pokéball. Ouray jaillit immédiatement, en sautillant, le bec levé en l'air. Je m'accroupis vers lui, tandis ce qu'il levait sa petite tête plumée vers moi, concentré et attentif à ce que j'allais lui dire.

- Tu crois que tu pourrais percevoir s'il y a un danger dans les différents tunnels ?

Il semblait quelque peu hésitant. Je savais que Ouray avait la vue la plus perçante du groupe, malgré le fait qu'il soit le plus jeune de la bande. Il hocha la tête, et se dirigea en sautillant vers les tunnels, s'arrêtant à chaque fois à l'entrée, la tête penchée sur le côté, le regard aussi perçant qu'un aigle en pleine chasse. Il resta ainsi pendant de longues minutes, analysant attentivement chaque tunnel. Au bout d'un moment, il tourna la tête vers moi et leva le bec, commençant à parler dans sa langue, bien évidemment. Je fronçai les sourcils, tentant de comprendre ce qu'il me disait. Je tournais la tête vers Tadi, qui maintint mon regard en dépliant ses ailes de toute son impressionnante envergure.

- Il y a d'assez grands tunnels pour qu'un humain et un Pokémon passent ?

- Furaiglon, Furaiglon ! Acquiesça Ouray, se dirigeant alors vers trois tunnels en particulier, se débrouillant pour faire rouler une petite roche cristallisée devant ces tunnels en question.

- D'accord... Et les autres sont trop petits pour faire passer un humain ?

- Roucanarge, me dit soudain Tadi en hochant sa tête.

- Ouray, tu as pu voir si ces tunnels étaient sans danger ?

Ce dernier baissa légèrement sa petite tête, avant de la secouer lentement, sans doute déçu. Je lui souris et tapotai sa magnifique tête plumée.

- T'inquiète pas, tu as déjà fais beaucoup. Tu te sens capable de partir en éclaireur dans ces tunnels ?

Il plaqua alors son aile droite sur sa tête, au garde à vous. Bien évidemment, je ne comptais pas le laisser partir en éclaireur tout seul.

- Sora est assez petite pour passer dans un des tunnels ?

Ouray secoua la tête, en signe de négation.

- Hum... Et Aquene ?

Ouray leva légèrement ces petites ailes. Il n'était pas sûr, mais il se dirigea vers le dernier tunnel, avant de tourner sa tête vers moi en signe de détermination.
Ce tunnel semblait pourtant très peu large, à vue d’œil. Je me dirigeai vers Ouray, et passai ma main dans l'entrée, cherchant de la paume les parois. Malgré le noir d'encre, ce tunnel semblait plus large qu'il n'y paraissait. Juste assez pour que Aquene s'y glisse. C'était parfait.
Je sortis trois Pokéballs. Abey, Nokomis et Aquene y jaillirent immédiatement, le regard fixé sur moi. Certes, l'endroit commençait à être un peu serré pour autant de monde, mais tant pis.

- Ecoutez moi bien. Nous ne sommes pas du tout sûres du chemin, alors vous allez partir chacun dans les trois tunnels que Ouray a indiqué. Faites attention, et surtout, revenez dès que vous trouvez quelque chose. Nokomis, je te confie Ouray.

Ils acquiescèrent tous, et se dirigèrent chacun vers les tunnels désignés. Ouray, posé sur le dos de Nokomis, semblait quelque peu impressionné, mais cette dernière s'engagea rapidement dans le premier tunnel désigné. Abey suivit le mouvement dans le second tunnel. Aquene, arrêté devant le troisième tunnel, passa sa tête dans le tunnel et commença à s'engager lentement, l'air prudent.

Je poussai un léger soupir, et regardai mes amis s'engager prudemment, mais sûrement dans ces trois tunnels.

- Génial, excellente idée ! m'exclamai-je.

Ainsi répartis, les membres de l'équipe d'Hétalia reviendraient bientôt, porteurs de bonnes nouvelles. Cette petite pause était pour moi le moment de reprendre mon souffle. L'air confiné et humide était plus difficile à respirer que celui de l'air libre au dehors. Les pas de Nokomis, Abey et Aquene se firent plus sourds, moins présents, laissant derrière eux comme un vide que je décidais de combler par pure nervosité.

- Ouray a d'excellents sens on dirait. Je suis impressionnée.

Un éclair rouge passa devant mon nez et s'engouffra dans un des tunnels à la suite d'Aquene. Je tournai vivement la tête et tendis le bras pour tenter d'attraper une des nombreuses queue de Dorea avant qu'elle ne s'engage, en vain.

- Dorea, reviens, c'est dangereux !
- *Tu ne comprends rien !*
- Dorea ? répétai-je à l'entrée du couloir sombre. Aquene est grand, il peut se débrouiller, tu vas le gêner plus qu'autre chose...

J'entendis un bruit, comme des griffes frottées contre la pierre.

- Si tu m'entends, alors reviens, c'est un ordre.

Je rattrapai Aquene aussi rapidement que possible et me postai devant lui. Dans le noir, impossible de dessiner. Je me plaquai à lui pour le pousser en arrière et qu'il fasse demi-tour, sentant sa douce fourrure chatouiller mon museau.

- Pourquoi elle-

J'entendis un son étrange. Mais avant que je puisse en trouver la source, le passage par lequel nous étions arrivé fut condamné par éboulement court, bref, mais efficace. Le tunnel était à présent entièrement bloqué par une chute de pierres.

- ...c-c-co-comment ça..., murmurai-je, la voix tremblante.

Le sol se mit à trembler légèrement. Ma première réaction fut de sauter dans les bras d'Hétalia après avoir lancé un petit cri de surprise, alors que tous les conduits subissaient le même sort. Ma seconde réaction fut de crier le prénom de ma Goupix, sans lâcher la jeune fille pour autant.

- *Trop tard...*

J'abandonnais l'idée de faire rebrousser chemin à mon modèle. Si seulement j'avais senti la secousse plus tôt. Tadi étant un Pokémon Vol, peut-être était-il moins sensible aux dangers qui provenaient du Sol. Pour moi, la peur m'avait foudroyée sur place d'un seul coup. Il restait une solution : continuer en espérant qu'il était possible de rejoindre les autres par ce chemin. Peut-être que plusieurs conduits se rejoignaient, où qu'ils menaient à une autre salle commune ? Mais ce qui m'inquiétait, c'était surtout la taille du passage rocheux. Hétalia avait, grâce à Ouray, découvert que certains étaient plus grands et permettaient le passage d'humains. Or, les humains ne vivaient visiblement pas ici. Ce qui signifiait, soit que nous avions beaucoup de chance, soit que ces couloirs étaient empruntés par des Pokémons, assez grands en l’occurrence. Mais avant de continuer, il fallait peut-être prévenir les autres que nous allions bien...

- Mais c'est...

La poussière se dissipait petit à petit. Je venais de remarquer que seulement neuf possibilités sur dix avaient été rayées de la liste : le tunnel emprunté par Abey était libre d'accès. Intact. Comme si quelqu'un ou quelque chose avait attendu que l'on choisisse d'envoyer des éclaireurs. Comme si c'était un "prix" à payer pour avancer...

J'ouvris de grands yeux, perdant de peu mon équilibre lorsque je sentis une légère secousse, suivie par une chute de gravats dans notre dos. Je n'avais pas du tout prévu une telle situation... Seule Dorea avait senti le danger, mais trop tard pour agir malheureusement. La situation ne pouvait pas être plus critique.
Dans un geste automatique, je plaçai ma main sur ma tête pour éviter les chutes de roches et de cristaux en provenance du plafond. J'entendis soudain le cri de Sepia, qui me sauta soudainement dans les bras, aussi terrifiée qu'une gamine. N'ayant pas le temps de songer à la jeter par terre, je dardais un regard fiévreux sur les dix tunnels. Deux des trois empruntés par mes amis étaient bouchés. Impossible qu'ils puissent songer à l'idée de faire demi-tour.

J'espérais simplement qu'ils allaient bien.

Lorsque l'éboulement cessa enfin, un énorme panache de poussière se souleva et engloba toute la partie de la petite cavité dans laquelle nous nous trouvions actuellement. Je fus prise d'une quinte de toux, ouvrant difficilement un œil pour examiner les alentours. Je vis la silhouette de Tadi, à quelques centimètres de nous. Mais je ne distinguais pas Dorea. Elle était sans doute avec Aquene, coincée dans le tunnel.
Lorsque la poussière se dissipa, je baissai lentement la tête vers Sepia, avant d'écarter mes bras pour qu'elle me lâche. Elle tomba brusquement par terre, et ignorant ses plaintes, je l'enjambai et me dirigeai d'un pas pressé vers les dix sorties, qui s'ouvraient auparavant à nous. Je posai ma main sur la paroi, avant de me résigner à quoi que ce soit. L'éboulement n'avait pas touché la partie intérieure du tunnel, Aquene, Abey et Nokomis auraient senti le danger si cela avait été le cas. Je poussai un léger soupir, le dos tourné à Sepia, et fermai les yeux pour me calmer. Ils ne pouvaient que aller bien, sinon, j'aurais sans doute perçu un cri, une alerte, ou quoi que ce soit. Du coin de l’œil, je perçus Tadi, qui braquait son regard d'encre sur moi. Recouvert de poussières, tout comme Sepia et moi, il ne semblait pas blessé. Je lui adressai un léger sourire, quelque peu rassurée, qu'il me rendit à son tour, me transmettant un peu de son calme.

J'entendis soudain Sepia, qui n'arrêtait pas de se plaindre depuis avant, marmonner quelque chose d'un ton hébété.

- Mais c'est...

Je suivis son regard, qui était braqué vers une sortie de tunnel. La seule qui n'avait pas été bloquée, celle qui avait été empruntée par Ouray et Abey. Signe, ou piège du destin ? L'un ou l'autre, nous n'avions pas vraiment le choix. Je levai mon regard aux teintes saphirs et parcourais les parois du plafond, à la recherche d'une quelconque brèche. Aucune.
Nous n'avions pas le choix. Le tunnel, ou la mort. Sans hésitation, je me baissai et me mis à quatre pattes, commençant à m'engager dans le tunnel. Après avoir avancé de quelques mètres, je me mis en position accroupie, tatant les parois, s'effritant de quelque peu, et le sol. Tout semblait stable pour le moment.

- Sepia, dépêche toi. Je sais que tu n'aimes pas ce genre de passage, mais si tu ne fais pas d'efforts, on risque de crever ici. On pourra, avec un peu de chance, croiser Abey et Ouray si on se dépêche, et retrouver les autres...

Sepia allait me répondre, peu sûre d'elle, lorsque j'entendis un petit cri, comme un appel, provenir du tunnel dans lequel je m'étais de quelque peu engagée. Interpellée, je tournai la tête à l'opposée de Sepia, mais je n'eus pas le temps de répondre lorsque je sentis un affaissement du sol, pile à l'endroit ou je me tenais.

Je n'eus pas le temps de réagir, ni de faire demi-tour. Le sol s'écroula sous mes pieds, suivis par un pan entier du sol, qui parcourait les fins fonds d'encre de ce tunnel. Contre toute attente, je chutai brusquement, n'ayant pas le temps de faire un seul mouvement lorsque je sentis ma tête se cogner violemment contre une paroi qui me sembla aussi dure que du béton.

J'entendis une dernière cris affolés de Sepia et de Tadi, qui disparurent soudainement, remplacés par un sifflement insupportable qui s'empara de mes oreilles.
Je sentis, quelques secondes après, mon corps rebondir au sol, puis une torpeur m'envahir contre mon gré.

Puis plus rien.

Lors de mes premiers pas dans la grotte, jouer avec l'écho m'amusait. Mais entendre mon cri en boucle alors que j'étais allongée sur le sol humide de la cave me faisait froid dans le dos. Je restais là, les yeux fermés. Quelques saletés retombèrent sur mes paupières pendant les minutes suivant ma chute. La douleur s'était invitée dans tout mon corps. Je n'osai pas faire le moindre mouvement de peur de me rendre compte que mon corps ne me répondait plus ou que mes blessures étaient trop graves. J'ouvris la bouche dans le but d'appeler Hétalia, mais la seule chose qui vint fut une terrible quinte de toux qui me força à m’asseoir. Je pris alors conscience que j'avais eu plus de peur que de mal. Je massai mon dos. Sans doute n'avais-je rien d'autre qu'un simple choc. Je tâtai le sol, meuble, assez tendre, ce qui pouvait expliquer que mes blessures étaient superficielles.

- De la terre, commentai-je pour moi-même.

Je sursautai en entendant ma voix revenir vers moi comme un boomerang. J'avais besoin de parler, comme pour couvrir le long silence pesant. Je fermai de nouveau les yeux pour essayer de me rappeler ma situation actuelle, récapitulant les faits à haute voix.

- Hétalia est partie de notre champ de vision... On avait entendu un cri... Tadi et moi, nous avons donc avancé. Il faisait sombre. Et puis j'ai senti un haut le cœur alors que... Elle n'était pas partie ! ...elle est tombée. Ça s'est écroulé, et on est tombé aussi en la cherchant... Mais... un oiseau ça vole ! Tadi ?! Hétalia ?!

Je me relevai. Cette partie était réellement plongée dans les ténèbres les plus profondes. Qui avait crié ? Je levai le nez vers le plafond : une faible lueur bleutée se distinguait. Un cercle. Sans doute le trou. Mais la grotte était si peu éclairée que la lumière ne nous parvenait pas. Je m'accroupi, puis me mettais à genoux pour avancer. Si les deux autres n'avaient pas répondu, peut-être s'étaient-il déjà réveillés et ne m'avait pas trouvée ? Ou peut-être n'étaient-ils pas en état de répondre ? Je me sentais honteuse de penser que la seconde solution était ma préférée. Si je les retrouvais, je pouvais encore sortir d'ici. S'ils étaient partis, mes chances étaient aux environ des 2%.

- Tadi, répétai-je de ma voix tremblante, entre deux sanglots. Hétalia ! Répondez... Me laissez pas toute seule...

Ma main heurta quelque chose et un cri s'échappa de ma bouche. Un peu particulier, puisqu'elle tremblait sous l'effet de la peur. Je n'osai pas la reposer à terre et la gardai près de mon cœur, qui, s'il l'avait pu, serait sorti de ma poitrine. Il battait si fort que j'étais étonnée qu'il n'ait pas encore lâché. Sans espoirs, paralysée par la peur, je réitérai mes appels.

- Tadi ? Hétalia ? C'est vous ?

Essayant de garder mon sang froid, j'avançais, réglant mon allure sur celle d'Aquene. Si j'avais pu communiquer avec lui, je l'aurais remercié. Mais il ne saurait jamais à quel point je lui étais reconnaissante. Sa présence me rassurait terriblement. J'étais tellement inquiète pour Sepia que seule, j'aurais sûrement baissé les pattes. Mais avec lui, je me sentais plus courageuse. Comme s'il voulait me dire "allez, les autres vont gagner la course, on avance. Tout va bien".

Si j'avais pu parler, j'aurais sans doute fait une petite remarque humoristique pour apaiser l'atmosphère. "C'est pour avoir une plus jolie vue que tu me demandes de prendre la tête ?". A cette pensée, j'accélérai le pas, repliant mes six queues entre mes jambes, balayant le sol couvert de poussière. Un si mauvais humour était digne de Sepia. Quand j'y repensais, c'était peut-être pour ça qu'elle avait eu des paroles aussi idiotes plus tôt, près du lac. Anxiété, peur, voire terreur. Ces pestes avaient le don de se jouer de nous et nous amenaient à des réflexions grossières.
Mon regard s'adaptait peu à peu au noir de la grotte. Je distinguais à présent les contours flous du chemin et les murs rocheux parsemés de petites étoiles : les cristaux diffusaient une étrange et faible lumière entre le rose et le turquoise. Très romantique... Mon flair aussi était plus alerte. Mais aucun des deux ne me permettait d'être certaine que les autres étaient eux aussi sains et saufs. Quand soudain, je senti le sol trembloter. La température baissait petit à petit, comme si l'air gelait. Ou peut-être n'était-ce qu'une illusion ? Et dans la pénombre, un Oniglali apparut au détour d'un virage. Il posa sur nous un regard meurtrier, me rappelant celui de l'Apireine. Peut-être nous considérait-il comme les coupables de l'éboulement récent. Je reculais doucement, jusqu'à me retrouver dos aux pattes d'Aquene. Sa chaleur me rassura un peu, sans pour autant ôter le doute qui planait en moi :

- *Nous n'avons pas pu être soignés depuis que nous avons quitté les plaines... Comment on va faire ?*

Lorsque j'entendis le roucoulement de Tadi, une chaleur rassurante parcourut mon corps, comme si je venais de boire un thé bien chaud. Je cherchais l'oiseau avec mes mains suspendues dans le vide, comme si nous jouions à Colin Maillard. A la différence près que même sans bandeau, je voyais très mal ce qui m'entourait. Lorsque je sentis son doux plumage sous mes doigts, je le serrai légèrement, puis je remontai lentement mes mains avant de lui sauter au cou.

- Oh, Tadi c'est toi ! J'avais peur d'être toute seule, comme Hétalia ne répondait pas et...

L'évidence était là, devant moi. Tadi semblait lui aussi très inquiet. Or, il était toujours le premier à rassurer Hétalia. Ils étaient là, l'un pour l'autre, et cette confiance leur permettait de tenir bon, même face à une nuée d'abeilles furieuse. Si le Roucarnage était là, à mes côtés, avec cette angoisse que je ne connaissais que trop bien, alors Hétalia n'allait pas bien. Ce qui expliquait aussi pourquoi elle ne répondait pas à mes appels désespérés. Sans savoir pourquoi, au fond de moi, je me disais que si je n'avais rien d'autre qu'une mal de dos, alors Hétalia, qui était bien plus forte que moi, devait aller merveilleusement bien. S'il lui était arrivé malheur, comment pourrais-je, MOI, faire quoi que ce soit ?

- T-Tadi. Moi ça va. D'accord ? En fait, je marche à genoux parce que je ne connais pas la hauteur du plafond. On ne sait jamais, on a l'air d'avoir fait une sacrée chute, mais il y a peut-être des pierres qui descendent assez bas. Mais je peux marcher. Ne t'en fais pas. Alors conduis-moi à Hétalia. En marchant ! Je... je te tiens.

Puis, une idée me traversa l'esprit. Tadi pouvait aussi avoir été blessé.

- Juste... toi, ça va ? Les ailes, les pattes, les serres ?


Je m'efforçais de rester calme, alors que mon moi-intérieur était en détresse et criait "NOOOOOOOOOOOON ! Je vais mourir ! Si Hétalia est morte, je vais faire quoi ? Ou même si elle me demande de gérer la suite car elle ne se sent pas bien ? Je ne peux pas prendre sur moi ! J'ai des épaules trop petites et délicates pour un tel fardeau !".

Ace sortit calmement du portail, talonné par Red et Akwakwak, puis s'arrêta net. À quelques mètres devant lui se trouvaient deux jeunes filles, ainsi qu'un Roucarnage. Ace avait atterri dans une grotte plus qu'étrange. Il faisait extrêmement sombre, et seule une lueur bleutée venant d'une zone bien plus haute de la grotte venait éclairer le corps d'une des jeunes filles qui gisait sur le sol. Autour de lui, Ace constata que des morceaux de roches jonchaient le sol, comme si un éboulement venait d'avoir lieu. D'innombrables cristaux parsemaient les parois rocheuses et humides de la grotte, ajoutant au caractère étrange de celle-ci. 

La plus jeune des deux filles tourna rapidement la tête vers Ace en l'entendant sortir du portail, ses yeux s'écarquillant de surprise, voire de peur. Le Roucarnage qui les accompagnait semblait plus agressif, comme s'il sentait qu'Ace pouvait être un danger, et décolla quelque peu du sol, battant des ailes d'un air menaçant, avant de lâcher un cri visant à dissuader les intrus.

Ace lâcha un sourire, ne s'inquiétant pas le moins du monde, et se tourna pour refermer le portail. Il n'y avait pour l'instant aucune trace des cannibales dont parlait Pacou, mais cela ne saurait tarder, Ace le sentait. Il s'approcha lentement des deux jeunes filles ainsi que du Roucarnage, toujours suivi par Red et Akwakwak, qui semblaient eux aussi sereins. La jeune fille se redressa, et attrapa un sabre dans le dos de son amie, le brandissant avec un manque d'assurance visible, et demanda:

- Qui êtes-vous?! D'où venez-vous? Avec une voix tremblante trahissant son appréhension.

Ace continuait d'avancer, plus concentré sur la jeune fille allongée sur le sol. Elle semblait se réveiller, ou peut-être juste reprendre ses esprits. Un petit filet de sang coulait le long de son visage. 
Ace ne répondait toujours pas, et arriva à leur hauteur. Le Roucarnage fusillait Ace et son équipe du regard, apparemment très méfiant, et claquait régulièrement du bec pour exprimer son mécontentement, mais aussi pour les avertir probablement. La jeune fille continuait de brandir le sabre de son amie, mais semblait sur le point de craquer sous la pression.

- Répondez! Cria-t-elle dans un sanglot.

Ace s'agenouilla près du corps de l'autre jeune fille, et répondit tranquillement, sans un regard vers celle qui le menaçait:

- Je m'appelle Ace. On m'a envoyé pour vous aider. Et vous, qui êtes-vous? Demanda-t-il calmement, en levant enfin les yeux vers la jeune fille armée du sabre, lui permettant d'enfin apercevoir son regard rouge et noir, qui faisait frémir presque tous ceux qui le croisaient.

Je fixais ces yeux, rouges et noirs, sombres, me rappelant la couleur du sang frais. Et puis, je réfléchis un instant - si, si, ça m'arrive parfois. Nous étions tombées. Ok ? Admettons que Tadi, vole, ce n'était pas mon cas, n'est-ce pas ? Je baissais petit à petit le sabre qu'Hétalia possédait. Mes yeux pourpres se focalisaient à présent sur la lame luisante. C'était déjà improbable que je survive à une chute de plusieurs mètres, mais alors, le fait que j'ose me défendre avec une arme était tout simplement miraculeuse ! Je me connais mieux que quiconque, ma première réaction aurait été de fuir, tant pis pour Hétalia ! OU alors... ce n'était pas la réalité ! Bien sûr ! Tout ceci se passait dans ma tête ! Dans un rêve, où je me sentais plus courageuse ! Logique ! Personne ne peut arriver comme ça de nulle part ! Je lançais le sabre sur le côté et m'asseyait sur le sol sous le regard ahuri de Tadi.

- Ben quoi ? De un, ce truc est vachement lourd, soyons francs, hein... Puis je suis au mieux assommée, au pire morte. Tient, je pensais pas qu'on pouvait rêver ou faire des cauchemars dans nos dernières minutes de vie...

Le regard interdit du pigeon taille XXL me vola un soupir d'exaspération. Il devait me prendre pour une folle.

- Tadi, dis-je en pointant Ace du pouce, tu as déjà vu des gens qui, POUF ! apparaissent comme par magie ?

J'éclatais de rire, un rire qui résonna dans la galerie jusque dans ses voisines.

- Et en plus, je continue de te parler, ajoutai-je dans un éclat de rire cristallin. Alors que... Alors... que t'es peut-être inconscient toi aussi ! Wouhou !

De son côté Dorea baissa sa garde. Si cet Oniglali pouvait les aider à retrouver Sepia et Hétalia, le carboniser ne serait pas judicieux. Elle avança lentement, tapie, sans s'en rendre compte, contre le sol. Elle aurait aimé se faire toute petite. Si petite. Elle regardait parfois en arrière, pour vérifier la présence d'Aquene. Elle qui avait toujours été solitaire et autonome, voilà qu'elle se reposait intégralement sur le Feunard.
Arrivés à une intersection, Dorea se tourna vers Aquene pour qu'il lui confirme le chemin à prendre. Mais il lui sembla percevoir un son. Un rire.

- *...Non. Elle est idiote, mais personne ne s'amuserait d'une situation telle que la nôtre, pas même Sepia*.

Je m'allongeais sur le dos, fixant le puits de lumière naturel. Je levais la main pour dessiner des lettres et des personnages imaginaires.

- Lalalala... Je me demande si je suis morte de peur ou de douleur... Et en plus, Tadi, les gens qui sauvent les autres en général, ben ils ont un air cool et sympa. Donc je te dis, on est plus que des fantômes. Cesse donc de me fusiller du regard ainsi, cervelle de moineau.


C'est celui qui dit qui l'est ?

Le rapace regardait Sepia, d'une façon telle qu'il se demanda si la jeune fille ne s'était pas cognée la tête lors de sa chute. D'ailleurs, il était de quelque peu agacé. Cervelle de moineau ? Lui ? N'inversons pas les rôles. Néanmoins, Tadi reposa immédiatement son regard sur l'homme, apparu de nulle part. Il ne lui inspirait aucune confiance, loin de là. L'oiseau même s'en sentit déstabilisé. Étrange personne. Pourtant, l'Ossatueur et l'Akwakwak qui l'accompagnait affichaient un air calme. Trop calme au goût de Tadi, ce qui accentua un peu plus ses dires. L'oiseau reposa son regard sur Sepia. Elle devait penser que tout cela n'était qu'un rêve, un cauchemar. Une idiotie quelconque, qui avait poussé Sepia à saisir une arme pour se défendre. Tenait-elle à Hétalia à ce point ? Peut-être. L'adrénaline aidait grandement, dans ce genre de situation. Même les plus peureux.
Du coin de l’œil, l'oiseau perçut alors un mouvement. C'était Hétalia, qui semblait enfin sortir de sa torpeur. Le rapace battit plus vigoureusement des ailes, dardant toujours un œil mauvais, malgré sa boule au ventre, sur cet homme sorti de nulle part.

Après avoir vaguement entendu la voix de Sepia, celle d'un homme vint se rajouter. Ce petit détail réussit à me réveiller. Une affreuse migraine cognant à ma tête, je réussis enfin à ouvrir les yeux. Je passais automatiquement ma main sur ma tête et mes yeux, laissant mon esprit s'éclaircir lentement, tandis que j'analysais les derniers souvenirs que j'avais en mémoire.
Ça y est, je me souvins maintenant. Je suis tombée, depuis le tunnel ou nous nous allions nous engager. Puis plus rien. Jusqu'à ce que j'entende une voix. Puis deux.
Ma main sur le visage, je rouvris lentement les yeux et tournai la tête vers Sepia... avant de constater avec surprise qu'elle était allongée elle aussi, et qu'elle dessinait des symboles imaginaires à l'aide de son index.

- Qu'est ce que tu fiches encore... marmonnai-je en me redressant lentement.

Je passai ma main sur mon front, sentant un mince filet de sang sur mon front. Je l'effaçai de quelque peu à l'aide de ma main, et détournai la tête avant de remarquer avec surprise un homme agenouillé au dessus de moi. J'eus un brusque mouvement de recul, et me redressai face à cette personne sortie de nulle part. Il semblait maigre, et ni lui, ni ses Pokémons ne m'inspiraient confiance. Sa capuche plongeait son visage dans la pénombre, ou je ne pouvais distinguer que ses yeux. Une étrange couleur mystérieuse et inquiétante, de rouge aux teintes orangées, et d'un noir d'encre. Je plissai les yeux, et affrontai cet homme du regard, réussissant à ne pas flancher. Bien évidemment, comme d'habitude et sans un mot, j'attendais une explication. De Sepia, ou de cet étrange personnage. 

Aquene fut lui aussi surpris par cet éclat de rire cristallin. Il croisa le regard de Dorea, qui semblait sceptique. Après un court instant de réflexion, le Feunard hocha la tête et poursuivit le chemin indiqué par l'Oniglali, qui fonçait droit devant lui. Le petit groupe perçut alors une mince lumière bleutée au bout du chemin. Était ce donc la sortie ? Aquene accéléra le pas et remarqua avec surprise trois petites silhouettes, déboucher d'un pan du mur qui donnait accès à une autre voix. Nokomis, Abey et Ouray tournèrent alors la tête et remarquèrent avec un certain soulagement Aquene et Dorea. Tous sautillèrent, et coururent vers la sortie au vu de l'étroitesse du lieu. Tenir à six Pokémons dans ce genre de tunnel était plutôt oppressant. Aquene fut surpris, mais ravi, de voir ses amis. Les tunnels étaient peut-être liés, ou "déformés" par les précédents éboulements ? Le Feunard restait sceptique. Il fit un signe de tête à Dorea, et accéléra le pas en jetant un coup d’œil derrière lui.
Les six Pokémons débouchèrent tous ensembles du tunnels. Ils se trouvaient désormais dans l'intérieur d'une immense cavité. Un peu plus haut, les lumières émises par les cristaux atteignaient faiblement les profondeurs du lieu. L'Oniglali, fit un rapide demi-tour et jeta un dernier regard au groupe, avant de disparaître en un éclair. Aquene leva les yeux au ciel, devant tout cette cascade d'amabilité, et tourna la tête pour examiner les lieux. Après avoir jeté un rapide coup d’œil vers Dorea, il tourna la tête, et remarqua avec surprise cinq silhouettes, dont deux de petite taille, se tenant plusieurs mètres plus loin. Le grand renard, plissa les yeux et se déplaça tout autour de ses amis, une manière simple de veiller sur eux. D'un pas lent, Aquene commença à guider ses amis en direction de ses cinq silhouettes.

Deux lui étaient familières.
La seconde, inspira un mauvais pressentiment au majestueux renard.

Le visage plongé dans l'ombre, Ace continuait de fixer la jeune fille au regard de couleur saphir, qui ne semblait pas effrayée. Ce qui était rare. À quelques mètres de là, son amie semblait totalement déconnectée de la réalité, traçant des traits invisibles dans l'air du bout de son indexe, totalement indifférente à ce qui pouvait se passer. Ace semblait hypnotisé par ce regard. Était-ce l'étrangeté de son courage? Ou bien la couleur de ces yeux? Étrangement, c'est toujours ainsi qu'il s'était représenté sa notion de la pureté, de l'innocence. Un bleu saphir.

Alors que ni Ace ni la jeune fille semblaient vouloir détourner le regard, Red grogna pour attirer l'attention de son maître, comme en signe d'avertissement. À contre-coeur, mais avec vivacité, Ace se redressa, et mît un terme à cet étrange échange visuel en tournant le dos à la jeune fille. Il plissa les yeux et constata six silhouettes au loin, approchant dans leur direction. C'était ce que Red lui avait signalé. Akwakwak semblait également sur le qui-vive, mais plus concentré sur le Roucarnage qui persistait à les surveiller d'un oeil mauvais, trahissant sa méfiance. Les ombres qui s'approchaient étaient comme déformées par la réverbération de la faible lueur bleue que dégageaient les cristaux qui parsemaient les parois rocheuses de la grotte. Mais malgré cela, Ace identifia plus ou moins clairement les visiteurs. La jeune fille laissa échapper un sursaut de surprise, et le Roucarnage fît soudainement preuve d'un excès de confiance, battant des ailes énergiquement, et claquant son bec frénétiquement. De toute évidence, ils se connaissaient, et étaient surement alliés. Il s'agissait d'un Feunard, d'un Goupix, d'un Noctali, d'un Phylalli et d'un autre pokémon de type vol apparemment que Ace ne connaissait pas.

Ace se tourna, faisant de nouveau face à la jeune fille, qui n'avait pas bougée d'un pouce. Elle restait silencieuse, calme, et semblait plus ou moins sereine.

- J'imagine qu'ils sont avec toi? Demanda Ace d'un ton léger mais assuré. Que tout le monde reste calme. Je suis pas votre ennemi. Je suis venu, ou plutôt, on m'a envoyé, pour vous aider. Je m'appelle Ace. Et vous deux, c'est quoi vos noms? Ajouta-t-il avec la même sérénité, qui trahissait cette fois une sorte d'excitation naissante, comme celle qui précédait la vue du sang.

Le regard bleu saphir de la jeune fille s'arrêta de nouveau sur les pupilles sang et encre d'Ace, comme si elle tentait de le jauger du regard, de s'assurer qu'il était ou non, digne de confiance. La méfiance restait de mise au sein de cette grotte sombre aux parois humides, et au décor plus que trompeur.

En retrouvant les filles je ne m'attendais pas à deux choses. La première, c'était le côté décontracté de Sepia, qui était en total désaccord avec son angoisse naturelle du noir. Je savais qu'une fois, étant petite, elle était restée enfermée à la cave pendant une heure. Quand mes humains en parlaient, ils racontaient qu'elle avait appelé ses parents en criant, tambourinant contre la porte qui s'était refermée par surprise. Et depuis, elle ne fermait plus aucune porte à clef et laissait toujours toutes les lumières allumées, même celle de sa chambre la nuit. Le fait qu'elle soit allongée, calme, ne me rassurait pas. Loin de là. La seconde chose, c'était que les filles n'étaient plus seule. Nous avions un invité. Et si j'avais eu un mauvais pressentiment avant l'éboulement, en ce moment-même, mon esprit me criait "cours" alors que mon corps répondait "attaque". Mais petit calcul rapide : type eau, type sol, j'étais une débutante de type Feu = restons en retrait. Cependant, plus question de faire confiance à qui que ce soit. J'avais accepté Hétalia et son équipe, parce que nous en avions besoin, et parce qu'elle semblait digne de confiance. Mais qu'ils acceptent où non ce garçon, jamais je ne mettrai ma vie entre ses mains...

- Seren Piano, dit Sepia en pointant la cavité dans le plafond, avant de la barrer avec son doigt.

Il fallait que je lui fasse comprendre qu'il était temps qu'elle prenne sa place dans notre trio. C'était sur elle que je devais compter, pas sur Hétalia. Parce que si Hétalia acceptait de suivre le jeune homme, alors il était fort possible que je décide à un moment de faire cavalier seul. J'échangeai un rapide coup d'oeil avec Abey, Nokomis, Ouray, et Aquene. Je baissai la tête, pour leur faire comprendre que, maintenant que nous étions ensemble, j'allais rejoindre Sepia pour voir si elle allait bien. En longeant le mur, en restant également le plus éloigné possible de ce que je considérai comme "les intrus", je marchai jusqu'à elle et sautai dans ses bras dans les derniers mètres. J'étais beaucoup trop proche de "ceux-là". Sepia s'était redressée et passa sa main sous mon menton.

- Toi aussi, tu es morte alors ? me demanda la demoiselle.

Sans réfléchir, je la giflais avec ma patte droite. Ce n'était pas la première fois que Sepia manquait de lucidité. Comment avait-elle pu penser qu'elle avait perdu la vie ?

- Aïe... Mais quoi ! Une chute de plusieurs mètres et un autre, là, qui apparaît de nulle part...

"Apparaît de nulle part" ? Bien, noté. Ma méfiance avait atteint son seuil maximal. Or, les intrus avait peut-être des atouts... Mais ils ne savaient pas que j'étais muette ce qui serait le mien désormais. Or, les petits signes que j'allais utiliser ne serait pas abordable pour Hétalia non plus, faisant référence à la vie à la Pension et au passé de Sepia principalement. J'avais vécu un an seulement avec elle, mais j'avais tellement entendu parler de son enfance par ses parents. Et pour communiquer, nous avions des codes propres à la vie en famille. Aussi je traçai un cercle coupé d'un segment en diagonale. Hétalia aurait pu penser que c'était une nouvelle Pokéball, ratée à cause de la mauvaise luminosité. Ce cercle, c'était le symbole de la pension. Il me l'avait appris lorsque nous sortions et que je voulais rentrer. "Dessine un cercle, ça veut dire "maison". On comprendra que tu y retournes". En ce moment, elle représentait la familiarité, la sûreté, un cocon rassurant. Barré, elle signifiait "fais attention". Je lançai une Flammèche pour éclairer le gribouillis sur le sol humide. Mon attaque devenait de plus en plus faible... Je croisai le regard de Sepia. Elle semblait émerger, revenir dans la réalité. Elle hocha la tête.

- Elle, c'est Dorea. C'est ma Goupix. Et dans mon sac, j'ai Prisme, ma Lépidonille. A ton tour Hétalia, je vais me dégourdir les jambes...

Elle se leva et fit quelques exercices simples. Le manque d'activité avait du engourdir ses membres. Le fait qu'elle garde sous silence mon secret confirmait qu'elle savait que je voulais l'utiliser comme un atout. Pourvu qu'Hétalia ne laisse pas l'information s'échapper par accident. Mes yeux se posèrent sur l'Akwakwak et l'Ossatueur, un court moment, avant de détourner la tête. Inquiétants. Premier adjectif qui m'était venu à l'esprit. Je regardais de nouveau Sepia : elle se baissait pour toucher le bout de ses pieds, avec une grande aisance. Mais elle semblait ailleurs. Etait-il possible que pour la première fois de sa vie, elle réfléchisse ?! Après tout, si LUI était venu nous aider... qu-

- Qui vous a fait venir, et pour nous aider contre quoi ? demanda d'une voix posée l'actrice, en tirant ses bras vers le haut, debout sur la pointe de ses pieds.

Je suivait ses doigts, puis leur prolongement. Le tour dans le plafond ? Non, on ne pourrait pas remonter facilement... Sauf... L'option se logeait en moi comme une possibilité.