Ace était assis, entouré de Red et d'Akwakwak, et commençait à observer sa main gauche. Le sang avait coagulé, et la plaie qui remplaçait désormais la base de la phalange du doigt manquant, semblait dater d'il y à quelques jours déjà. Phénomène qu'Ace s'expliqua par sa nouvelle et seconde race: Dragon. Alors qu'il semblait fasciné, oubliant presque la douleur, par sa main gauche, le Roucarnage d'Hétalia, suivi d'elle-même, sortît du portail.

Ace les regarda avec un sourire provoqué par sa blessure qui l'intriguait plus que ne l'inquiétait, et se leva. Hétalia semblait réellement mal en point. Elle s'effondra sur le sol, à quelques centimètres à peine du portail, immédiatement rejointe par son Roucarnage qui surveillait attentivement son état de santé. Ace arriva au niveau du portail, et attendit l'arrivée de Seren pour le refermer, mais celle-ci ne vint pas. Le Roucarnage le regarda, puis secoua la tête, comme pour lui indiquer qu'elle n'arriverait pas. Ace sembla amusé par la prise d'initiatives et l'évidente intelligence des pokémons de ces deux jeunes filles, avant de refermer le portail d'un geste nonchalant de la main droite.

Akwakwak s'approcha d'Hétalia, non sans éveiller la crainte du Roucarnage, qui claqua manifestement son bec pour l'exprimer. Mais Akwakwak, dans son agressivité et sa méfiance habituelles, réagit avec véhémence, et claqua du bec encore plus fort, comme pour lui signifier de ne pas s'interposer. Roucarnage, troublé, s'envola, manifestant son mécontentement et sa frustration en battant férocement des ailes, mais sans pour autant persister à dissuader Akwakwak dans sa démarche. Akwakwak parvint à hauteur du corps d'Hétalia, qui, toujours allongée sur le sol, grimaçait, et serrait les dents pour lutter contre la douleur. Pour une raison qu'Ace ne s'expliqua pas, Akwakwak entreprît de calmer cette dernière, en versant doucement de l'eau sur ses plaies, puis en glaçant très légèrement sa tête, dans le but de l'anesthésier, comme il en avait pris l'habitude avec Ace lors de ses phases. Roucarnage, constatant que les intentions d'Akwakwak n'étaient pas mauvaises, redescendit, et revint se poser aux côtés de sa maîtresse, en bon pokémon loyal et soucieux qu'il était.

Ace regarda autour de lui. Les plaines sur lesquelles ils se trouvaient étaient vastes. La troupe se trouvait bien trop à découvert aux yeux de Ace qui, en combattant aguerri, s'attendait à tous les dangers, en chaque instant. Mais ce n'était pas le premier de ses soucis. Et voir Red ainsi posté en sentinelle au sommet d'une sorte de tour de pierre, formée naturellement, le regard attentif et concentré, confortait Ace dans la confiance qu'il portait à son équipe. Ce qui lui permettait de se concentrer sur son interrogation principale: Hétalia. Ce nom lui disait clairement quelque chose, mais impossible de se rappeler d'où. Maintenant qu'ils étaient sortis de cette maudite grotte, et que le calme s'était ré-installé, l'heure était à l'introspection et à la concentration. Ace allait devoir fouiller dans sa mémoire, et la torturer, lutter contre elle, pour espérer dénicher cette information qui, selon lui, était essentielle. 

Ace s'allongea, se retrouvant finalement plus avachi qu'allongé, sur les herbes douces et vertes qui peuplaient ces plaines à l'étendue incroyable, et au paysage singulièrement beau. Le vent venait faire voler les cheveux d'Ace qui profitait de l'odeur du sang que dégageaient ses habits, et que l'air frais et pur des environs n'arrivait pas à couvrir. 

- Hétalia... Ça doit vraiment remonter à loin ce nom-là... Se dit-il à haute voix sans y faire attention.

Akwakwak leva alors la tête vers son maître. Il avait regagné le "campement", qui n'était autre que l'endroit où Ace avait posé ses affaires, mais se releva en entendant ces mots. Il attrapa la sacoche d'Ace, et lui lança, avec un regard agacé, avant de claquer du bec à l'attention de son maître. Ace attrapa la sacoche en vol et demanda:

- Tu veux que je fasse quoi avec ça? J'ai rien pour la soigner mieux que toi tu sais? Demanda-t-il en désignant Hétalia, quelques mètres plus loin. Et j'ai pas de bouffe non plus si c'est ce que tu t'imagines!

Mais Akwakwak se rassît, ignorant les propos d'Ace. Agacé, Ace lui lança un regard noir. Il n'aimait pas trop que ses pokémons prennent ainsi leurs aises, contrairement à Seren et Hétalia. Et il leur faisait bien savoir quand ils dépassaient les bornes. Mais pas tout de suite. Pour le moment, Ace allait quand même vider sa sacoche pour voir ce que pouvait bien vouloir Akwakwak. " Mon décapsuleur, mon dé, un...doigt..., mon journal, mon couteau... Non je vois pas. Que les trucs habituels quoi. " Se dit-il en faisant son inventaire. Mais lorsqu'il jeta nonchalamment son journal au sol, une enveloppe s'en échappa. Ace s'arrêta, son regard s'assombrissant.

Akwakwak l'observait du coin de l'oeil, l'air satisfait. Ace s'approcha de son journal, et attrapa l'enveloppe de la main droite. Ça lui revenait. Il avait complètement oublié cette enveloppe, et encore plus qu'il l'avait gardée sur lui. Il l'ouvrit rapidement, pour se remémorer plus précisément son contenu, et y re-découvrit le nom d'Hétalia. Son regard se posa sur elle, l'air inquiet, comme soucieux de ce que cette lettre, cette rencontre, allaient pouvoir apporter.

Aussitôt sortie du portail, mon corps lâcha. Je m'écroulai au sol, assommée par la douleur. Puis tout se coupa en moi. Les voix, et les bruits de pas des Pokémons ou même les déplacements de Ace. Je n'entendis plus rien. La seule chose que je sentis, à un moment, était une onde glacée sur mon corps, puis sur ma tête. Cette dernière me calma d'avantage. Mais je ne pouvais plus bouger, ni agir. Je tournai lentement les yeux vers Akwakwak, qui était sans doute l'auteur de ce geste. Il disparut soudain de mon champ de vision. Je sentis également la présence de Tadi près de moi, mais mon corps, éprouvé, n'avait nullement l'intention d'agir pour l'instant. Je gardai donc mon regard grisant, dirigé vers l'horizon, couchée sur le flanc, sentant par la même occasion que j'étais allongée sur de l'herbe, qui m'offrait un tapis de verdure doux et confortable. La vue qui s'offrait à moi était belle et apaisante, au loin, il me semblait distinguer des falaises s'élever vers le ciel. Comme si elles voulaient atteindre ce dernier. Je sentis également une légère brise s'élever, entraînant avec elle mes mèches de cheveux rebelles qui retombèrent mollement sur mon visage. Je restais ainsi un long moment, allongée, à fixer l'horizon d'un regard absent. Ma vue se floutait par moment.

Cependant, je ne sentis plus aucune présence autour de moi. Etais-je seule maintenant ? C'est pas malin. Je vais devoir me soigner seule, tant pis. Ce que je craignais le plus, c'était une infection. Ca m'étonnerait que des cannibales soient stricts en ce qui concernent leur hygiène de vie. Si je ne me désinfectai pas rapidement, je risquai de mourir de je ne sais quoi de foudroyant. Je détournai donc mon regard sur ma main, tentant désespérément de bouger les doigts. J'y parvins, mais difficilement, au bout d'un moment. J'eus donc l'excellente idée de tenter de me redresser. Ce qui bien évidemment n'était pas intelligent, puisque je m'attirai à nouveau une foudroyante douleur au bras et à la cheville, malgré l'onde glacée que m'avait apportée Akwakwak. Je poussai un gémissement silencieux, les dents serrées à l'extrême. Tadi réagit instantanément en posant mon sac face à moi, avant de se diriger immédiatement dans mon dos, et de poser sa tête contre. Surprise par son geste, je tournai légèrement la tête vers lui.

- Merci mon vieux, murmurai-je dans un sourire crispé.

Je me concentrai tant bien que mal et fouillai de ma main valide mon sac, avant de sentir une petite trousse sous ma main. Je l'ouvris, et réussis à trouver un flacon de désinfectant et un reste de bandage. Je coincai un bout de bandage entre mes dents, et me débrouillai tant bien que mal pour enrouler le bandage au dessus de ma plaie, le serrant le mieux que je puisse. Ainsi, ça me servirait de garot pendant que je m'occupe de ma cheville. Ce qui n'allait pas être chose facile...

Je me penchai légèrement et répétai l'opération avec ma cheville. Je ne me servis que de ma main valide, puisque mon membre touché tremblait sans que je ne puisse le stopper. Après un long moment ou je galérais à faire un garot, j'y parvins enfin, coinçant un bout de bandage sous ma semelle. Je serrais de toute mes forces, avant d'y jeter un coup d'oeil rapide. J'avais perdu pas mal de sang, et je le sentais bien. Mon bras touché était souillé de sang, ma cheville également. J'étais couverte de poussières, et mes habits étaient déchirés à certains endroits. Je suis loin d'être présentable, ça, c'est sûr.
Je m'arrêtai un instant, poussant un léger soupir. J'étais exténuée, ma tête tournait et ma vue se brouillait de temps à autre. La seule chose dont j'avais envie, c'était de piquer un petit somme. Mais je n'avais pas le temps. Il fallait que je rejoigne Sepia. Et le plus vite je me soignerais, le plus vite je partirais d'ici. Je ne savais pas du tout ou nous étions, je vérifierais plus tard sur mon Holokit.

Je tournai la tête, et croisai alors l'étrange regard de Ace. Il ne semblait pas blessé. De là ou je me tenais, je ne vis aucune plaie apparente, mais son visage était figé dans une expression que je ne parvins pas à déchiffrer. Il ne lâcha pas pour autant mon regard, d'ailleurs. Mais à force de fixer un même point, je sentis un léger vertige me prendre. Je restai tournée en sa direction, mais je baissai le regard et secouai légèrement la tête avant de m'occuper à nouveau de mes plaies. Il ne semble pas très bavard. Ca tombe bien, moi non plus. Malgré les regards qui, je le sentais bien, pesaient sur moi, je tournai mon regard droit devant moi, et passai ma main sur mes yeux, la mâchoire contractée.

Je crus entendre des bruits de pas étouffés par l'herbe se rapprocher de moi. Mais, perdue à nouveau dans les vappes, je n'étais plus assez prudente ni attentive pour y faire attention.

Ace s'approcha d'Hétalia, qui semblait avoir vraiment du mal à se remettre de ses blessures. Elle avait l'air ailleurs, l'air mal à l'aise ou angoissé. Elle ne le remarqua pas tout de suite. Ace s'accroupit à ses côtés, attirant ainsi son attention. Elle le regarda sans le voir, son esprit focalisé sur son mal-être et sa douleur. Ace fouilla dans la trousse d'Hétalia, en quête de quelque chose pouvant l'aider. Il avait besoin qu'elle se concentre, afin d'aborder le sujet de la lettre. Il y trouva ce qui semblait être un extrait de plante synthétisé aux propriétés anesthésiantes. Il n'était pas fan de ce genre de soins, il leur préférait largement les produits naturels, qu'il jugeait plus fiable par paranoïa, ayant passé beaucoup de temps dans la nature. Il lui tendit et lui recommanda d'avaler le comprimé. Il lui versa ensuite de l'eau sur le front, dans le but de la réveiller mais aussi de l'apaiser.

Ace se demandait alors qu'il faisait tout cela, d'où lui venait cette attitude bienveillante. Il ne comprenait rien. C'était nouveau, et ça lui semblait mal, voire malsain. Il leva les yeux vers Red, et croisa son regard. Red semblait soucieux, comme s'il sentait son maître s'éloigner, comme s'il craignait de le perdre. Son regard était sombre, voire accusateur. Et Ace s'en rendit compte. Il comprenait son message, et y adhérait. Mais il n'était pas en mesure d'y faire quoi que ce soit. Il ne contrôlait pas ses choix et ses actions pour le moment. Il subissait cette situation, sans trop la comprendre, sans trop chercher à lutter.

Cette instabilité émotionnelle, et cette remise en question introspective quant à ses valeurs et ses acquis, prenait petit à petit le dessus sur Ace, qui, depuis quelques jours, paradoxalement à sa nouvelle puissance, se sentait happé, et privé de sa force mentale.

- Merci. Dit enfin Hétalia, après avoir repris un peu ses esprits une fois installé l'effet de l'anesthésiant.

Ace regardait désormais l'horizon. Le soleil se couchait au loin, et le ciel prenait progressivement une couleur vanille, imprégnant les nuages d'une essence orangée, venant se fondre avec la pupille rougeâtre d'Ace, et se heurter à sa pupille noire. Son regard semblait exprimer la torture qui l'habitait, et son sentiment de perdition s'exprimait par une tristesse apparente, mi-palpable, mi-effrayante.

- J'ai quelque chose qui devrait t'intéresser. Dit-il à l'attention d'Hétalia en plongeant de nouveau son regard dans le sien.

Il lui tendit la lettre, donc Hétalia s'empara, le regard inquiet, et pensif.

Je me détachai du regard de Ace, et baissa les yeux vers ce qu'il m'avait donné. Une lettre, semblait-il. Mon esprit, plus clair, et apaisé un temps par l'anesthésiant, je gardai mon regard rivé sur cette dernière. Qui avait bien pu m'écrire une lettre ? Je n'avais plus personne, pourtant.
*A moins que...*

Fébrile, j'ouvris l'enveloppe, et en sorti une feuille froissée, et quelque peu abîmée par le temps. Cependant, quelque chose me stoppait dans mon geste. Comme si je savais pertinemment que la lire changerait quelque chose en moi.
Je baissai un peu plus la tête, et dépliai alors la lettre. L'écriture me frappa, faisant remonter en moi de nombreux souvenirs, qui percutèrent mon esprit et me firent voyager un instant, un cours instant.
Je me retrouvais à nouveau dans mon ancien chez-moi. Je revis de nouveau deux silhouettes qui m'étaient chères. Avant qu'apparaissent brusquement, devant mes yeux, des flammes orangées qui me ramenèrent à la réalité. Hébétée, je secouai ma tête. Je divaguai, c'était impossible autrement. Je reportai mon attention sur la lettre, avant d'y lire mon prénom.

Aucune erreur possible.
Je relis une seconde fois, pour ne pas être sûre d'avoir la berlue.
Puis les mots s'enchaînèrent, comme un tourbillon, sans s'arrêter.

"Ma chère Hétalia.

Nous t'écrivons cette lettre ta mère et moi, car les choses ont changées, et que nous te devons la vérité. Il y a un an de ça, nous avons disparus de ta vie. Tu étais si jeune, et nous étions si obstinés, aveugles. Nous avions décidés de rejoindre l'Ordre. Une organisation nourrissant les mêmes désirs de changement qu'Absolution, mais de façon différente. Nous avions vite compris qu'il nous serait impossible de rejoindre le gouvernement d'Absolution pour participer à ce grand projet, et ce, malgré nos efforts. Devenir mercenaires fut une erreur. Ils sont indépendants, et n'ont aucun projet si ce n'est remplir les contrats qu'ils reçoivent. L'Ordre nous accueillit à bras ouverts, nous offrant ainsi la possibilité de participer activement à ce projet de nouveau départ. Afin de rejoindre l'Ordre dans le plus grand secret, et la plus grande discrétion, ils ont organisés notre mort. Une fausse mort. Sous tes yeux... Nous regrettons amèrement cette décision. À l'époque, nous étions persuadés que c'était pour ton bien, et que cela te permettrait d'avancer. Peut-être que ce fut le cas... peut-être pas. Mais les choses ont mal tournées. Leurs activités dépassaient nos idéaux et notre morale. De plus, le secret auquel nous étions tenus a rendu notre vie impossible. Tout s'est vite dégradé, et nous avons décidé de fuir. Nous regrettons tellement nos choix ma petite Hétalia, si tu savais... Nous avons emporté avec nous des documents concernant l'Ordre. Nous allons maintenant essayer de le dissoudre, grâce à ces preuves, en rendant publiques leurs actions. Nous avons ouvert les yeux désormais, et sommes conscient qu'aucun idéal, aucune vision, n'est parfaite. Et surtout, que TU devrais être notre idéal. Nous allons essayer de rentrer pour te retrouver dès que possible, ma petite chérie. Mais l'Ordre ne laisse pas filer ses membres si facilement, et je ne serais pas étonné qu'ils nous recherchent et nous pourchassent, dans le but de se débarrasser de nous. Je veux que tu saches Hétalia, que s'il nous arrivait malheur, nous le méritons, dans un sens. Ce n'est pas parce qu'aujourd'hui, nous sommes conscients de certaines choses, que cela efface nos actions passées. Et nous avons malheureusement participé aux horreurs commises par l'Ordre.

Je tenais à te fournir ces explications, car j'ose à peine imaginer la souffrance qu'une enfant de douze ans, séparées ainsi de ses parents, sans explications, a pu ressentir. Nous ne te demandons pas le pardon, mais espérons seulement pouvoir un jour obtenir une seconde chance. Nous espérons de tout coeur que tu as su t'en sortir, et que tu te portes bien.

Ta mère et moi t'aimons de toutes nos forces, ma petite Hétalia.

À bientôt, peut-être."

...

Mon regard resta figé sur la feuille. Mon esprit, perdu entre deux mondes, peinait à revenir à la réalité. Je sentais encore la présence de Ace, et celle de Tadi, désormais. Qu'est ce que je pouvais penser, en lisant cela ? Je n'en avais pas la moindre idée. Pleurer n'arrangerait rien, et l'idée de vengeance ne traversa pas un seul instant mon esprit. Pour un stupide idéal, ils m'avaient laissé seule. Ils avaient orchestré leur mort, tout ça dans l'idéal stupide d'espérer changer le monde. Le monde peut bien être détruit, jamais il ne changera. Il existera toujours un infime grain de sable qui déréglera tout ce dont pour quoi l'homme vit, construit, espère et grandit. Mes parents s'en seront au moins rendu compte, mais à quel prix ?

Le prix de la mort.  

J'étais persuadée qu'ils étaient morts. Et même si ce n'était pas le cas, pour moi, ils l'étaient à mes yeux.
Mais que devais-je penser ? Qu'est ce que je devais avoir comme avis ? Je n'en avais pas. Il fallait peut-être que j'y réfléchisse. Je n'avais pas le contrôle. Et ça m'angoissait. Je me sentais à nouveau mal, mais d'une façon différente. Je ne fis rien transparaître sur mon visage. Il gardait son masque d'impassibilité, d'indifférence. Je gardai mon regard rivé sur la feuille, avant de demander à Ace d'une voix neutre et imperturbable.

- Cette lettre... Où est ce que tu l'as trouvé ?

Je sentis Tadi s'agiter à côté de moi. Je redressai la tête, et croisai alors le regard de Ossatueur. Étrangement, il vrillait sur moi un regard approbateur, voir accusateur. Je lui rendis un regard d'excuses. Il n'avait pas à s'inquiéter. De toute façon, je ne vais pas traîner ici, je vais rapidement partir. C'est ce que j'essayai de lui faire comprendre.

Je posai à nouveau mon regard sur Ace. Imperturbable.

Hétalia était visiblement très perturbée par ce qu'elle venait de lire, et d'apprendre. Comment ne pas l'être?

- Ça risque d'être dur à entendre. Répondit Ace, sans regarder Hétalia, par soupçon de culpabilité probablement. J'ai toute ma vie été un mercenaire. À remplir des contrats de façon complètement impartiale. Un jour, j'ai été sollicité pour tuer deux personnes. Je ne savais rien d'elles, et je ne voulais rien savoir, comme pour les autres. Dit-il, le regard plus dur que jamais. J'ai finalement trouvé tes parents, et je les ai tués, comme il me l'était demandé, sans me poser de questions. Ce n'est qu'une fois l'acte accompli que j'ai trouvé cette enveloppe. Je ne m'en souvenais plus aujourd'hui car j'ai la mémoire des fois qui...mais bon... Je me souviens à présent avoir longuement réfléchi à cette lettre, à ce qu'elle impliquait. Tu dois savoir que c'est très rare pour moi, voire impossible, de connaître les détails de mes missions, et des personnes que je tue pour vivre. Mais ce fût le cas cette fois. Et ça m'a hanté. Pour la première fois de ma vie, j'ai pensé à quelqu'un d'autre. À ce que mes acte pouvaient causer, à ce à quoi une personne pouvait faire face suite à ça. Tu sais... "Ajouta-t-il"...tes parents ont été trompés. Cette cause, cet idéal de monde parfait n'est qu'illusion. L'homme est mauvais par nature, j'en suis l'exemple parfait. La guerre, le sang, le meurtre, ont toujours fait partie de l'histoire de l'homme, particulièrement ici à Madrigal, mais aussi dans les contrées inexplorées j'en suis sur. L'Ordre, cette organisation...Ce n'est que du vent. Tes parents l'ont suivie par erreur, et cette lettre le prouve. Mais chaque homme, chaque femme, peut commettre ce genre d'erreurs, lorsqu'il a quelque chose à protéger. Que ce soit une personne, un concept, ou même un pokémon ou un objet, là sont toutes les choses pouvant faire perdre la raison à la plus sensée des âmes. Je ne te demande pas pardon pour les avoir tués, je ne te conseille pas non plus de leur pardonner de t'avoir abandonnée, mais comprends. Comprends que le monde est fait de ce genre de sacrifices inutiles...

Ace venait de se livrer. De confier à quelqu'un son sentiment et sa réflexion. Il était déjà sous le choc d'avoir un sentiment, un sentiment à décrire. Il ne savait vraiment plus où il en était. Cette facette de lui lui était inconnue, et il savait qu'aujourd'hui, après cette déclaration, cette tirade, sa vision du monde changerait radicalement, ou se conforterait inexorablement, selon la réponse d'Hétalia, cette jeune fille pure qui pouvait le condamner, ou le sauver...

Je méditai, longuement, les paroles de Ace. Elles se répercutèrent en écho dans mon esprit, me laissant assez de temps pour y songer. Contrairement à ce que j'aurais pu penser, je n'avais aucune haine contre lui. Et j'aimais beaucoup sa façon de penser, et de déduire. A voir son expression, je ne pense pas qu'il faisait cela d'habitude. Après un long moment de silence, réfléchissant calmement à ma réponse, je répondis à Ace, d'une voix aussi légère que la brise qui soufflait en notre direction.

- Je ne t'en veux pas. A mes yeux, un mercenaire n'est qu'une marionnette. Il accomplit des ordres, à la place de trouillards qui ne veulent pas se salir les mains par égoïsme et par orgueil, et qui s'approprient toute la "fierté" du travail. D'ailleurs, ça me rappelle une phrase que me disait souvent mes parents avant leur disparition...

Pensive, je m'appuyai sur mes mains et allongeai doucement, pour ne pas faire de mouvement brusque, mes jambes. Mon regard s'accrocha à un grand chêne, plusieurs mètres plus loin. J'observai le mouvement léger du feuillage, avant de poursuivre.

- Selon eux, il existe deux catégories de personnes. Celles qui utilise, et celles qu'on utilise. Maintenant, je comprends mieux ce qu'il voulait dire par là. Toute leur vie, ils ont été ceux qu'on utilisent. Ils ont ouvert les yeux trop tard, en pensant agir pour mon bien et pour celui du monde. C'est pour ça que je pense que tu as bien fait de les tuer. Jamais ils n'auraient supportés de me regarder dans les yeux en pensant au "crime" qu'ils ont commis... Ça à l'air affreux ce que je dis, mais à bien y réfléchir, c'était leur dernier recours. Ils ne voulaient sans doute pas se l'avouer, mais au fond d'eux, ils s'en doutaient. J'en suis certaine. Et à mon avis, tu n'es sans doute pas aussi mauvais que les gens le pensent. Après tout, je ne sais rien de toi, je ne peux pas juger. Si tu as vécus toute ta vie dans le sang, la fuite, la crainte, la puissance ou l'obéissance, c'est sans doute normal. C'est ta vie, je n'ai pas le droit de la critiquer. Le monde parfait n'existera jamais. Dans chaque ère, il y a toujours eu un infime grain de sable qui dérègle tout. L'effet dominos, en gros. Aucun idéal n'est parfait. Tu as raison, tout être vivant est mauvais. Mais certains, comme toi, l'assument et ne le cache pas. C'est le mode de vie de certaines personnes, et c'est comme ça. Et puis, au final, je suis sûre qu'il existe une troisième catégorie de personnes, dans la théorie de mes parents. Et celle là, est crée selon l'opinion propre de chaque être vivant. Voilà ce que moi, je pense de tout ça.

Je reportai mon regard vers Ace. L'espace d'un instant, je trouvais ma réponse idiote. Je ne pouvais pas faire plus simple que cela ? Il fallait croire que non. Mais d'un autre côté, j'appréendai sa pensée, voire sa réponse. Le seul fait qu'il se confie comme cela à moi prouve bien que quelque part, au fond de lui, il n'est peut-être pas aussi malsain qu'il n'y paraît. Je lui adressai un sourire en coin, avant de rajouter.

- De ce point de vue, je pense que mes parents avaient tort. Il existe sans doute une troisième catégorie de personnes. Et celle là, est crée selon l'opinion personnelle de chacun. Ton action est faite, tu ne peux pas revenir en arrière, mais tu peux réfléchir à tes actes futurs maintenant. Ce serait inutile de t'en vouloir. Et je n'en veux absolument pas à mes parents. C'est tout.

Je croisai le regard de Tadi. Il semblait fier de moi, étrangement. Je passai ma main sur sa tête, un léger sourire aux lèvres. J'étais encore de quelque peu chamboulée par ce que je venais de lire. Il me faudrait sûrement du temps pour encaisser, mais je ne devais pas rester bloquée face à cet obstacle. Il fallait que j'aille vers l'avant. Je ne pouvais faire que ça.

Le bruissement léger des feuilles du chêne, dont je m'imprégnai du regard depuis un moment, comblait le silence, installé depuis que je m'étais tus.

Le soleil était presque couché désormais. Et le vent continuait de venir caresser l'herbe sauvage de ces immenses plaines vides. Ace échangeait de furtifs mais profonds regards avec Red, qui semblait ,plus que jamais, comprendre ce qu'Ace pouvait ressentir, éprouver. Alors que les dernières lueurs orangées et rougeâtres du soleil venaient se confondre et ne faire qu'un avec la pupille rouge d'Ace, il s'assît. Il était décidé à continuer à ne pas se poser de questions. Il ressentait ce qu'il ressentait, et c'était comme ça. À quoi bon questionner ce qui est? 

- Je vois que tu as bien compris le monde dans lequel on vit. Je vois que tu es forte. Psychologiquement forte. Peu importe tes idéaux et tes propres croyances ou valeurs, le monde ne tourne que grâce à la violence qu'il engendre. Chaque grand dessein comprend la violence, alors mieux vaut l'accepter et la pratiquer, plutôt que la subir et en être victime. Surtout avec les évènements à venir. Il faut être prêt. Je suis sur de pas grand-chose me concernant, et je suis certainement pas un exemple de vertu, mais je sais survivre.

Ace s'arrêta quelques secondes, en soupirant, puis reprit la parole tout en caressant instinctivement le sommet du crâne d'Akwakwak qui venait de le rejoindre, préférant rester près de son maître en présence d'inconnus.

- Et puis tu comptes faire quoi? Où est-ce que tu vis? Comment tu gagnes de l'argent? Demanda-t-il. Je me sens bizarrement un peu responsable de toi. Même si je sais que je le suis pas. Regardes ce qui vient de se passer, regardes-toi. T'es pas encore capable de t'en sortir seule. Pas tout le temps en tout cas. Tu pourrais venir avec nous... Poursuivit-il.

Ace marque de nouveau un temps d'arrêt. Il croisa le regard d'Hétalia l'espace d'un instant, se demandant si il faisait une erreur.

- Je pourrais t'apprendre à combattre, tu t'entrainerais, et gagnerais un peu d'argent en remplissant des contrats avec moi. Et puis, tu m'aiderais peut-être à découvrir le nouveau monde... Ajouta-t-il en souriant ironiquement. Je t'avertis ce serait pas une partie de plaisir, ce sera dur. Mais je sens que t'en es capable. Après... Est-ce que tu le veux? Demanda-t-il pour conclure.

Le silence s'installa de nouveau au sein du groupe. Akwakwak s'était à présent endormi, en souriant. Le soleil avait disparu à l'horizon, et la nuit prenait progressivement place. Si Hétalia acceptait de le suivre, Ace savait que leur première étape serait Irratam. Il devait rassembler ce qui lui restait d'affaires pour les amener à Krolock, sa nouvelle demeure. Ensuite ils aviseraient. Ace repensait à ses nouveaux pouvoirs. Ses pokémons devaient également s'améliorer, une période d'entrainement s'imposerait donc surement, ce qui pouvait être l'occasion pour Hétalia de s'améliorer également. Bref, Ace se mettait déjà à planifier la suite, il n'aimait pas être statique, sans but. Et c'est dans un silence que seul le souffle du vent venait briser par instants, qu'Hétalia prît la parole, d'une voix douce, calme, mais assurée...

Surprise par la proposition de Ace, j'y réfléchis un temps. Il n'avait pas tort, au fond. En effet, je ne savais pas me défendre. J'avais beau être forte psychologiquement, physiquement, j'étais bien loin du compte. Ce qui s'était passé aujourd'hui l'avait bien prouvé. Sa proposition m'intéressait vraiment, c'était le cas de le dire. Découvrir, apprendre et renforcer, ou changer d'opinion par rapport à ma vision du monde. Je croisai alors le regard de Tadi. Sceptique, sans aucun doute. Mais quoi que je fasse, je savais qu'il me suivrait. Je répondis presque instantanément à Ace, d'une voix plus légère que je ne le voulais.

- Pourquoi pas... Pour un temps, je pourrais éventuellement te suivre.

Au fond de moi, je me doutais que ce serait sûrement dur. Mais j'étais prête à avancer, et surtout, à progresser. Après tout, je suis sûre que c'est le seul moyen de me permettre à progresser, moi et mes Pokémons. Cependant, je baissai mon regard vers ma main et ma cheville endolorie. Je poussai un léger soupir. Ce serait déjà un bon départ, si je parvenais à me soigner. Légèrement engourdie, je pris un coton et le désinfectant qui traînaient dans mon sac. J'entrepris de frotter énergiquement la plaie de ma cheville. Je serrais les dents de douleur, et continuai, au point d'avoir l'impression que ma cheville brûlait. J'enroulai à nouveau le bandage autour de ma plaie, aidée par Tadi, qui avait attrapé à mon insu le bout du bandage. Il tira dessus pour le serrer à l'extrême, avant de répéter la même opération pour mon poignet. Je poussai un léger soupir, presque essouflée de m'être soignée, avant de détourner le regard vers Ace.

- Par contre, il faut que je fasse d'abord un détour au Centre Commercial de Madrigal. Je voulais acheter quelques affaires de base, vérifier si Sepia se porte bien, et récupérer Aquene, mon Feunard. Je vais peut-être prendre un peu de temps, dis-je à Ace en reportant mon regard sur l'horizon.

Je remarquai que la nuit était tombée, sans que j'y prête attention. J'étais quelque peu surprise, les Splendeur de Cristal m'avaient sans doute déconnectés de la réalité et du temps. Mais étrangement, je me sentais éprise d'un nouveau sentiment, sans doute la découverte. Je tournai la tête vers Tadi, ailes repliées, le regard rivé vers l'horizon. La lune, pleine, c'était désormais levée et se reflétaient dans ses iris d'encre. Je réfléchis un instant, me rendant compte que je devais peut-être laisser Tadi me porter. Je voyais mal Ace venir avec moi, malgré le fait que je ne le connaisse pas, ce n'était sûrement pas dans sa nature. Et ma cheville me faisait encore un peu de mal. Si j'achète en plus du matériels de soins, ça devrait passer rapidement. Je l'espérais.

Semblant comprendre ce que je voulais, Tadi passa sa tête sous mon bras valide et dirigea son regard vers Ace, attendant, comme moi, la réponse de ce dernier.

Ace était satisfait de cette réponse. Elle n'avait pas hésité... Mais rester ici ne lui convenait pas, il se sentait toujours à découvert, surtout maintenant que la nuit était tombée. 

- Très bien. Répondit-il. Je pourrais te créer un portail vers là-bas, mais ce serait trop facile. C'est maintenant que tu vas commencer à renoncer au confort, et à la facilité. Je pense que tu t'en sortiras très bien. 

Elle ne sembla pas surprise, peut-être s'attendait-elle déjà à devoir se débrouiller pour son trajet? Son Roucarnage l'aida à se relever, et elle adressa un clin d'oeil en direction d'Ace.

- Ne t'en fais pas pour moi. Je me débrouillerais très bien, et puis Tadi est avec moi! Ajouta-t-elle avec un grand sourire, légèrement crispé par la douleur.

Ace sourit à son tour, curieux de savoir jusqu'où elle pouvait aller. Ce qui était sur, c'est qu'elle possédait un énorme potentiel. 

- Je n'ai pas d'Holokit. Déclara soudainement Ace. Alors on va procéder autrement. Je vais me diriger vers Irratam, j'ai deux trois petites choses à régler là-bas, et mes affaires à récupérer. Rejoins-moi là-bas dans quatre jours. Pas plus, pas moins. Ensuite, on ira à Krolock. C'est clair?

Hétalia hocha la tête en signe d'approbation, l'air concentré. Puis, avec l'aide de Tadi, elle monta sur son dos. Elle jeta un dernier regard en arrière en direction d'Ace qui l'observait, alors que Tadi s'envolait dans la nuit de plus en plus noire, jusqu'à disparaître derrière les nuages qui se profilaient.

Ace se tourna alors, et siffla pour faire signe à ses pokémons de se rassembler autour de lui.

- On va rentrer au bercail les mecs. Leur annonça-t-il. On va surement devoir longer les murs. Ajouta-t-il l'air amusé.

Les yeux jaunes d'Akwakwak et ceux, rouges, de Red, brillaient intensément, tout comme ceux d'Ace. Il ne comptait pas utiliser de portail non plus. Il aimait bien l'état sauvage, et comme il n'était pas pressé, il allait en profiter pour revenir aussi aux sources. Ace rassembla rapidement ses affaires dans sa sacoche, et toute l'équipe se remit en route.